A la lecture de « Précision mathématique ou physique ?« , je me suis interrogé sur le nombre de décimales de réellement π nécessaires en physique. A priori il n’est pas nécessaire de connaitre π avec une précision supérieure à celle d’autres grandeurs mesurées, alors quelles sont les expériences de haute précision faisant intervenir π explicitement ?
N’en ayant aucune idée, j’en ai profité pour tester un site découvert par hasard en y posant la question. Je n’ai pas été déçu : en quelques heures j’ai reçu des réponses de très bon niveau, dont celle de Luboš Motl que je vous traduis ci-dessous:
Pi est très loin d’être le seul nombre dont nous ayons besoin en physique. Les prédictions théoriques typiques dépendent de nombreux autres nombres mesurés, calculés (ou les deux) que pi.
Cependant, il est vrai qu’on doit substituer la bonne valeur de pi pour obtenir les bonnes prédictions. Donc la bonne réponse à votre question est la prédiction théorique vérifiée avec la plus grande précision que nous ayons dans la physique à ce jour, à savoir le moment magnétique anomal de l’électron.
Dans certaines unités naturelles le moment magnétique anomal de l’électron est exprimé par un facteur g qui est légèrement supérieur à 2. Expérimentalement [1]:
g/2 = 1.00115965218111±0.00000000000074
Theoriquement, g/2 est donné par g/2 = 1 + α/2π + …
où le premier terme α/2π a été obtenu par Schwinger en 1948, et beaucoup d’autres termes plus petits sont connus aujourd’hui. les prédictions théoriques correspondent aux mesures expérimentales dans la minuscule marge d’erreur; l’incertitude théorique contient l’effet de nouvelles espèces de particules virtuelles dont les masses et couplages n’ont pas encore été éclaircies. Ceci nécessite, parmi beaucoup, beaucoup d’autres choses, d’introduire la bonne valeur de π dans la première correction de Schwinger α/2π. Vous avez besoin de 9 à 10 décimales de π pour que cette correction entre dans l’erreur expérimentale.
Donc en pratique, π≈3.141592654 serait OK partout dans la partie testable de la physique. Cependant, les physiciens théoriciens ont évidemment besoin de faire des calculs plus précis s’ils ne peuvent le faire analytiquement, pour voir ce qui se passe avec leurs formules.
Impressionnant, non ? Il faut dire que les sous-sites de stackexchange.com utilisent un système sophistiqué de « réputation » donnant peu à peu plus de pouvoirs aux contributeurs constructifs, et écartant les trolls. Certains forums dont je ne dirai pas le nom devraient s’en inspirer…
Sinon j’ai aussi reçu un petit commentaire intriguant sous la forme d’une citation (traduite par mes soins):
« Le lecteur pourrait souhaiter suivre le conseil de l’un des auteurs d’ignorer les différents facteurs de V; ils ne jouent pas de rôle crucial. De plus, le lecteur moins ambitieux pourrait aussi souhaiter d’ignorer tous les facteurs de π, l’ainsi nommée approximation du petit cercle. » [2]
Quoi ! Des physiciens osent traiter π d’approximation ? à suivre…
Références:
- B. Odom, D. Hanneke, B. D’Urso, G. Gabrielse, »New Measurement of the Electron Magnetic Moment Using a One-Electron Quantum Cyclotron« , Physical Review Letter 030801, 2006
- Edward W. Kolb, Michael Stanley Turner, « The Early Universe« , Westview Press, 1994
9 commentaires sur “Combien de décimales de Pi en physique”
mmmh… vous pouvez me citer une équation qui exprime pi en fonction de constantes « encore plus fondamentales » ?
Pi n’est pas une constante physique, c’est une constante mathématique liée aux dimensions de l’espace, elle se retrouve dans les cercles, disques, sphères, hypersphères à N dimensions pour définir les longueurs, surfaces, volumes et hypervolumes.
En fait, il y a un paquet de constantes physiques qui incluent pi, et ma question revenait à savoir laquelle de ces constantes devait être connue avec un maximum de décimales.
en vrai PI c’est : 3,141 592 653 589 793 238 462 643 383 279 … mais il y en a encore derrière 🙂
bonjour,
Pi est une grandeur physique qui fait le lien entre le comportement matériel et ondulatoire de la matière et du temps.
Voyez mon blog qui comporte quelques observations …
La durée ( vie , demi-vie) a une existence physique.
http://flechedutemps.blogspot.com/
Bien cordialement
Personnellement j’ai beaucoup de mal à imaginer que la valeur de Pi ait quelque effet que ce soit sur la physique. Cela interagit avec nos conventions de comment on définit telle ou telle constante physique bien sûr, mais ce facteur peut en général être absorbé dans ces constantes. Par exemple pour le g-2 on peut absorber le changement de couplage a -> a/2pi par un changement des fonctions d’onde et masses.
Et au fond chaque fois qu’un Pi arrive cela vient en dernière analyse du fait qu’on utilise la fonction exponentielle (soit directement comme dans une intégrale de chemin, soit indirectement dans une équation différentielle). Or ce qui nous garanti l’unicité de l’exponentielle et le exp(2*i*Pi)=1 c’est le fait que l’exponentielle soit sa propre dérivée. Mais ça c’est une simple propriété mathématique, dont on n’attend pas la moindre conséquence physique, puisqu’on dérive généralement par une dimension d’espace-temps (ou sinon quelque chose similaire), qui est quelque chose qui utilise des unités arbitraires (le mètre et la seconde sont créés par l’homme, ils n’ont pas d’existence physique)
Je crois que la small circle approximation, c’est un truc comme π² = 10…
Surprenant. Il y a effectivement surabondance de précision de la part des mathématiciens, si l’on songe que Pi est approximé par 10^12 décimales et qu’avec 39 décimales on peut exprimer le diamètre de l’univers connu avec la précision du diamètre de l’atome d’hydrogène (réf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Pi ).
Les forums de TS comme de FS sont complètement dépassés, cela fait belle lurette que je ne les fréquente plus pour les mêmes raisons que celles citées dans ce billet.
Il y a aussi le fameux poème qui date du début du 20è sicle et qui permet de reconstituer les 100 premières décimales : (un mot de 10 lettres code le zéro et la ponctuation ne code rien)
Que j’aime à faire apprendre ce nombre utile aux sages ! 3 1 4 1 5 9 2 6 5 3 5
Immortel Archimède, artiste ingénieur, 8 9 7 9
Qui de ton jugement peut priser la valeur ? 3 2 3 8 4 6 2 6
Pour moi, ton problème eut de pareils avantages. 4 3 3 8 3 2 7 9
Jadis, mystérieux, un problème bloquait 5 0 2 8 8
Tout l’admirable procédé, l’œuvre grandiose 4 1 9 7 1 6 9
Que Pythagore découvrit aux anciens Grecs. 3 9 9 3 7 5
0 quadrature ! Vieux tourment du philosophe 1 0 5 8 2 9
Insoluble rondeur, trop longtemps vous avez 9 7 4 9 4 4
Défié Pythagore et ses imitateurs. 5 9 2 3 0
Comment intégrer l’espace plan circulaire ? 7 8 1 6 4 0
Former un triangle auquel il équivaudra ? 6 2 8 6 2 0
Nouvelle invention : Archimède inscrira 8 9 9 8
Dedans un hexagone ; appréciera son aire 6 2 8 0 3 4
Fonction du rayon. Pas trop ne s’y tiendra : 8 2 5 3 4 2 1 1 7
Dédoublera chaque élément antérieur ; 0 6 7 9
Toujours de l’orbe calculée approchera ; 8 2 1 4 8 0
Définira limite ; enfin, l’arc, le limiteur 8 6 5 1 3 2 8
De cet inquiétant cercle, ennemi trop rebelle 2 3 0 6 6 4 7
Professeur, enseignez son problème avec zèle 0 9 3 8 4 4
Barvo Rémy ! C’est tellement plus beau quand c’est inutile 🙂
Le japonais qui a récité 100’000 décimales par coeur risque de se faire hara-kiri si les physiciens montrent un jour qu’il n’y a pas de cercle dans l’Univers, ou que l’espace est quantifié…