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Au fait, sur ton magnifique blog , tu ne pourrais pas nous pondre une explication claire des découvertes d’Einstein, comme si nous étions des enfants de 12 ans ? Pourquoi donc les vitesses ne s’additionnent-elles pas (celle du train et de la bille qui y roule par exemple) et qu’il faut y mettre cette constante c ?
Face à ce défi reçu de Franck par e-mail, j’ai commencé par me défiler en lui répondant que c’était assez difficile à expliquer avec des mots, qu’une petite vidéo avec des animations me semblait plus adaptée, et après une petite recherche je lui ai recommandé celle ci-dessous (pas la meilleure, mais en français)
Et puis je me suis rappelé cette citation attribuée à Albert : « Si vous ne pouvez expliquer un concept à un enfant de six ans, c’est que vous ne le comprenez pas complètement« , qui m’oblige à justifier ma dérobade. Outre le fait que cette phrase n’est pas d’Einstein mais de Vonnegut, je ne prétends d’une part pas comprendre complètement la relativité, mais surtout je ne suis pas sur qu’un enfant « normal » pourrait la comprendre même si les meilleurs vulgarisateurs du monde la lui expliquaient. Pas parce que le développement cognitif de l’enfant serait insuffisant pour comprendre, mais parce que:
- La relativité ne fait pas partie des « expériences sensibles ».
- Les démonstrations non mathématiques de la relativité restreinte sont encore trop verbeuses.
Détaillons ceci dans deux paragraphes.
1. Je peux toucher ?
Hubert Reeves disait à propos de la relativité [1]:
La réaction d’un esprit non préparé est normalement : « je ne comprends pas. » En fait il n’y a rien à « comprendre »: voilà un énoncé qui représente un fait vérifié par l’expérience. On part de là; on n’y arrive pas après raisonnement. On constate le fait, comme on constate l’existence du monde, comme on constate sa propre existence.
Malheureusement on ne constate pas la relativité comme un fait dans la vie quotidienne : il n’existe pas d’expérience permettant de visualiser un effet relativiste dans sa cuisine ou dans une classe primaire. Dans un coûteux labo de physique universitaire on peut commencer à « toucher » la relativité par l’expérience, mais dans une classe primaire on est paradoxalement forcé de travailler à un niveau d’abstraction supérieur, à partir de descriptions d’expériences réalisées par d’autres, et par raisonnement, Ce n’est pas facile, même au niveau de l’enseignement supérieur [2].
Ma suggestion à un enseignant qui voudrait s’attaquer à une introduction à la relativité serait de relever le défi à l’envers, en demandant aux élèves d’imaginer un monde dans lequel la lumière irait beaucoup plus lentement, par exemple à 10 m/s (36 km/h) seulement. Que verrait un coureur de 100m pendant les 10 secondes de sa course s’il regardait le chrono placé à l’arrivée ? Et à l’arrivée, qu’indiquerait le chrono placé au départ ? Que se passerait-il s’il essayait de brûler les fesses du concurrent devant lui avec un rayon laser ?
Ensuite, la classe pourrait jouer un peu avec « a Slower Speed of Light« , un jeu video gratuit développé par le MIT dans lequel la lumière ralentit au fur et à mesure qu’on trouve des objets :
Puis tenter d’expliquer pourquoi les couleurs se modifient, faire le parallèle avec l’effet Doppler sonore bien perceptible au passage d’une ambulance pour introduire l’idée que la lumière est une onde. Commencer à se demander ce qui se passerait si le coureur de 100m pouvait dépasser la vitesse de la lumière. Que verraient les caméras ? Que verrait-il, lui ? Que pourrait-il faire une fois à l’arrivée alors que les rayons lumineux émis pendant sa course ne seraient pas encore arrivés ?
2. Chérie, j’ai rétréci la formule
Le paragraphe suivant est tiré d’un ouvrage fondamental de la physique:
Les changements qui arrivent dans le mouvement sont proportionnels à la force motrice, et le sont dans la ligne droite dans laquelle cette force a été imprimée. Si une force produit un mouvement quelconque, une force double de cette première produira un mouvement double, et une force triple un mouvement triple, soit qu’elle ait été imprimée en un seul coup, soit qu’elle l’ait été peu à peu et successivement, et que ce mouvement, étant toujours déterminé du même côté que la force génératrice, sera ajouté au mouvement que le corps est supposé avoir déjà, s’il conspire avec lui; ou en sera retranché s’il lui est contraire, ou bien sera retranché ou ajouté en partie, s’il lui est oblique; et de ces deux mouvements il s’en formera un seul, dont la détermination sera composée des deux premières.
Compris ? Pourtant c’est ainsi que Newton lui-même énonce sa deuxième loi du mouvement dans ses Principia Mathematica en 1687 (la traduction française date de 1756 [3] ). De nos jours, on résume ceci par
F = m.a
Même le cancre interrogé sur « efégalema » ne parviendra pas à emberlificoter ses explications autant que le grand Newton, pour autant qu’elles soient justes. En 3 siècles, les 803 caractères de la formulation newtonienne destinée à l’élite intellectuelle de son temps ont été réduits à 5 symboles assénés à tous les ados du monde ou presque.
Et ce n’est pas un cas unique. Même E=m.c² est un raccourci de l’article d’Einstein [4] qui disait initialement
Si un corps perd une énergie L sous forme de rayonnement, sa masse diminue de L/c2
A mon humble avis, la relativité (qui ne se résume pas à E=m.c²) est encore trop jeune pour avoir été formulée sous une forme assez claire, cohérente et compacte pour être transmise à – et comprise par – des enfants. Plusieurs générations de professeurs devront encore raffiner leur approche pédagogique de la relativité par des livres grand public [5], voire l’expérimentation animale [6] avant que la relativité ne soit enseignée au secondaire, puis peut-être au primaire dans les classes des vaisseaux relativistes…
Et avec tout ça, j’ai encore éludé la question de Franck … je suis tenté d’y répondre par « Tu comprendras quand tu seras plus grand » mais je préfère « Cherche et tu trouveras » 😉
Références:
- Hubert Reeves « La théorie de la relativité« , 1961, Liberté, 3(2), 490–492. [pdf]
- Pierre MAGNIEN « La relativité restreinte dans le programme de TS : Cherchez l’erreur! » [pdf]
- John Conduitt "Principes mathématiques de la philosophie naturelle" (1990) Gabay ISBN:2876470705 WorldCat Google Books (en ligne)
- Albert Einstein « Does the Inertia of a Body Depend upon its Energy-Content? » 1905
- Jerome Pohlen "Albert Einstein and relativity for kids: his life and ideas with 21 activities and thought experiments" (2012) ISBN:9781613740286 WorldCat Google Books
- Chad Orzel "How to teach relativity to your dog" (2012) Basic Books ISBN:9780465023318 WorldCat Google Books
6 commentaires sur “Comment expliquer la relativité aux enfants”
Voici ma contribution au problème :
http://humeur-technologique.blogspot.fr/2014/02/la-relativite-expliquee-aux-enfants.html
> La relativité ne fait pas partie des « expériences sensibles ».
Je t’envoie une bombe nucléaire dans les broches pour voir si c’est pas une expérience sensible ?
Il y en a un autre exemple d’expérience qui pourrait être sensible et qui touche à la fois la théorie de la relativité restreinte (qui ne traite que des vitesses constantes) et la relativité générale (qui traite des accélérations et des masses). Il s’agit du GPS : les horloges à bord des satellite GPS prennent au total quelques microsecondes de retard par jour par rapport aux horloges de la terre à cause de la vitesse du satellite par rapport à la terre, mais aussi à cause du champs d’attraction terrestre qui est moins fort là haut. On tient compte ce décalage sinon on aurait quelques 10 km d’erreur de localisation au bout d’un jour.
Pour que la bombe atomique soit une expérience relativiste sensible, il faudrait que
1) je puisse la faire moi-même 😉
2) que je puisse la peser avant et après l’explosion pour constater qu’effectivement, quelques grammes manquent.
Il y a une multitude de vérifications expérimentales de la relativité, voire des applications comme celle du GPS, mais elles ne sont pas « sensibles », perceptibles directement avec nos sens comme l’est la gravité, la chaleur etc. Je ne connais hélas pas d’expérience qu’on peut faire dans un cours de lycée pour montrer un effet relativiste.
Des expériences qui son ni faisables ni vérifiables soit-même il y en quand même plusieurs sur des théories que les enfants comprennent :
les étoiles sont des soleils, le noyau de la terre est en fusion, deux milliard divisé par un milliard ça fait deux…
Quelles sont les propriétés que devrait avoir la formule de
composition des vitesses ? Je comprends que ça doit garantir la constance
de la vitesse de la lumière et respecter le principe de relativité (notamment, il
ne faut pas que, quand on est en mouvement uniforme, la loi de composition des
vitesses change, car cela permettrait de savoir qu’on est en mouvement). Mais j’ai
l’impression qu’on peut imaginer beaucoup de lois de composition qui satisfont
ces propriétés.
A la base, il y a la contradiction entre la formule de
composition classique (v=v1+v2) et la constance de la vitesse de la lumière :
si v2=c, v étant expérimentalement égal égal à c ; on voudrait donc c=v1+c.
Pas de chance : c’est faux. Si c était infini, ce serait juste. Qu’à cela
ne tienne, choisissons pour la composition des vitesses une formule du type
suivant :
f(v)=f(v1)+f(v2)
où f(c)=infini, et prenons pour f une fonction strictement
croissante (de façon que f ait une réciproque qui permette de trouver v de
façon unique). Posons à nouveau v2=c dans cette loi de composition. On trouve
f(v)=f(v1)+f(c)=f(v1)+infini=infini et donc v=c. La constance de la vitesse de
la lumière est donc assurée.
Reste le principe de relativité. C’est là que je
ne suis pas vraiment au clair. Est-ce que ça implique que si on a trois référentiels,
le résultat ne doit pas dépendre de l’ordre dans lequel on fait la composition ?
J’ai l’impression que c’est de toute façon OK (la formule de composition
ci-dessus est commutative et associative quelque soit le f choisi). Est-ce que
pour respecter le principe de relativité, il faut que si A est au repos par rapport
à B, alors un observateur en mouvement uniforme par rapport à A voie B se
déplacer par rapport à lui de la même façon que A ? Si oui, ça donne une
contrainte supplémentaire : f(0)=0. Est-ce qu’il faut que si un observateur se déplace à la vitesse v1 par rapport à moi, alors je me déplace à la vitesse -v1 par rapport à lui ? Si oui, ça donne une contrainte supplémentaire : f(-z)=-f(z).
Mais ça ne fait toujours pas beaucoup de contraintes. Par exemple
f(z)=z/sqrt(1-z^2/c^2) satisfait par exemple toutes les contraintes mentionnées ci-dessus. Pourquoi est-ce que cette fonction n’est pas acceptable ? Qu’est-ce qu’il y a de si spécial avec f(z)=ln[sqrt[(c+z)/(c-z)]] qui fasse que ce soit l’unique bonne réponse ?
C’est une mission impossible.
A la crèche déjà nos petits deviennent des physiciens, en expérimentant.
En vérifiant que si l’on met un objet dans un tuyau, et qu’on incline
le tuyau, on le récupère à l’autre extrémité, ou qu’un chiffon lâché
derrière le radiateur tombe sous le radiateur.
Mais il n’existe pas d’expérimentation faisable par les gamins de 12
ans qui puisse aboutir à la RR.
Tout au plus, après expérimentations et lectures qui leur fassent bien assimiler la relativité galiléenne, ce qui est loin d’être gagné, il n’y a qu’à voir le nombre d’aviateurs chevronnés qui ne l’ont pas encore assimilée, on peut les mettre devant la contradiction apportée par l’expérience de Michelson et Morley : il y a donc une limite supérieure de validité à la relativité galiléenne. Il n’est pas raisonnable de cherche à poursuivre au delà avec des gamins de douze ans.
Et s’il faut poursuivre, ce n’est pas forcément dans le sens historique de la RR, mais sur deux de ses développements ultérieurs.
D’une part les expériences de la variation d’une horloge selon sa
position en altitude, donc de son potentiel gravitationnel, faites à
Harvard en 1959 par Pound et Rebka.
D’autre part la révolution broglienne que de Broglie n’acheva jamais :
La fréquence intrinsèque de tout quanton doté de masse, est vue de tout
autre repère à travers la transformation de Lorentz. D’où la longueur
d’onde finale, non-relativiste aux basses vitesses, mais obtenue par
des moyens relativistes (1923 : théorème d’harmonie des phases).
D’où aussi l’expérience de Gouanère et Al :
pour un électron suffisamment accéléré, ultra-relativiste, sa fréquence
d’horloge vue par un réseau cristallin devient compatible avec la
distance réticulaire. Strictement impossible hors relativité, ce
ralentissement apparent d’horloge.
Enfin, rappeler quand même que les rapidités, définies comme argument
sinus hyperboliques de la vitesse en unités c,
sinh(r/c) = v/c
forment bien un espace vectoriel, et demeurent fidèles à la relativité
galiléennes, elles, au contraire des vitesses.