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40 histoires sur le cerveau de l’homme


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Pourquoi les filles sont si bonnes en maths

 

L’excellent livre du neurologue Laurent Cohen que je viens de dévorer s’appelle en fait  « Pourquoi les filles sont si bonnes en maths: et 40 autres histoires sur le cerveau de l’homme » [1], mais le seul reproche que je lui ferai concerne justement ce titre marketing qui dénature l’une des 40 histoires intitulé « Les filles (ne) sont (pas) nulles en maths ».

Les 40 histoires thématiques et peu dépendantes les unes des autres sont courtes, écrites sous forme de dialogue « question – réponse » qui les rend très accessibles au public non scientifique (juste quelques noms de parties du cerveau ça et là),  et regroupés en 6 chapitres:

  1. Histoires de mémoires (sur les amnésies)
  2. Histoires d’enfants (sur l’apprentissage)
  3. Histoire morales et dégoûtantes
  4. Histoires de voir (sur l’importance de la vision)
  5. Autres histoires de cerveau
  6. Histoire de médecine et choses utiles.

Chaque histoire se réfère à des expériences scientifiques récentes ou des cas de patients répertoriés dont le lecteur curieux peut trouver les références dans les dernières pages du bouquin. Voici les histoires que j’ai préférées (spoiler alert…), avec les références scientifiques copiées du livre en fin d’article.

Parfois, plus que les résultats eux-mêmes c’est l’ingéniosité des expérimentateurs qui étonne. Par exemple dans « les records d’une tête de linotte », les scientifiques ont donné à des casse-noix d’Amérique des cacahuètes et des petits vers dont ils sont friands et qu’ils sont allés cacher une fois repus. Ensuite, les oiseaux relâchés après une courte période allaient majoritairement chercher les vers, alors que ceux relâchés plus tard « savaient » que les vers ne seraient plus là et sont allés chercher les cacahuètes, démontrant ainsi que ces oiseaux mémorisent l’emplacement de leurs cachettes non seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps [2].

L’importance d’une bonne expérimentation apparaît aussi dans « douze bombons valent mieux que quatre ». Une célèbre expérience conduisit Jean Piaget à affirmer (dans les années 1930?) que la notion de nombre abstrait n’apparaît que vers 7 ans. Mais en reproduisant l’expérience avec des bonbons plutôt que des cailloux en 1967, on s’aperçut que des 2 ans déjà un enfant sait très bien qu’il y a plus de bonbons sur la ligne où on en a serrés 12 plutôt que sur celle ou il y en a 4 très espacés [3]. Plus récemment encore, on a montré que des bébés associent déjà un nombre de syllabes répétées comme « babababa » plutôt à un groupe de 4 objets qu’à un groupe de 8 [4].

En passant, il n’y a pas que les oiseaux, les bébés (et moi) dont le comportement dépend de l’appétit. L’histoire du « petit déjeuner du juge » montre que des décisions de justice sont systématiquement et fortement influencées par l’heure à laquelle elles sont prises [5]. C’est peut-être la plus effrayante des expériences relatées dans ce livre…

justice
Proportion des décisions de libération conditionnelle en faveur des prisonniers en ordonnée. Les points entourés indiquent les premières décisions de chacune des 3 sessions. Les graduation de l’abscisse marquent chaque trois cas. Les lignes pointillées dénotent les pauses repas. Moyenne sur plus de 1000 décisions prises par 8 juges sur 10 mois- [5]

Le chapitre « Histoires de voir m’a particulièrement intéressé parce qu’Annick travaille avec des enfants et jeunes aveugles et malvoyants. Toutes les histoires de ce chapitre sont passionnantes, mais j’ai une préférence pour l’histoire de la dame aveugle depuis l’enfance et virtuose du Braille victime d’un AVC. Depuis elle ne peut plus du tout lire le Braille parce que la zone de son cerveau malheureusement touchée par son AVC est celle… de la vision [6]

Le chapitre que j’ai trouvé le plus intéressant est « imagination et maladie d’Alzheimer ». Il concerne le « réseau du repos » (« default mode network« ), la partie du cerveau qui s’active quand nous ne faisons rien de particulier, quand nous ne nous concentrons pas sur une tâche particulière. Il semblerait que ce soit elle qui nous permet de rêvasser en nous projetant dans le passé ou le futur, ou ailleurs [7]. Et c’est dans cette zone que la maladie d’Alzheimer provoque le plus de micro-lésions [8]…

Paru il y a un an, ce livre passionnant et très facile à lire vient d’être édité en poche : plus d’excuse pour ne pas le lire.

Références:

  1. Laurent Cohen "Pourquoi les filles sont si bonnes en maths: et 40 autres histoires sur le cerveau de l'homme" (2012) Odile Jacob ISBN:9782738129253 WorldCat Goodreads Google Books  
  2. Clayton NS, Dickinson A. J « Scrub jays (Aphelocoma coerulescens) remember the relative time of caching as well as the location and content of their caches. »Comp Psychol. 1999 Dec;113(4):403-16. (PubMed)
  3. J. Mehler and T. G. Bever, “Cognitive Capacity of Very Young Children,” Science, vol. 158, no. 3797, pp. 141–142, Oct. 1967. DOI: 10.1126/science.158.3797.141
  4. V. Izard, C. Sann, E. S. Spelke, and A. Streri, “Newborn infants perceive abstract numbers.,” Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, vol. 106, no. 25, pp. 10382–5, Jun. 2009.
  5. S. Danziger, J. Levav, and L. Avnaim-Pesso, “Extraneous factors in judicial decisions.,” Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, vol. 108, no. 17, pp. 6889–6892, 2011.
  6. R. Hamilton, J. P. Keenan, M. Catala, and A. Pascual-Leone, “Alexia for Braille following bilateral occipital stroke in an early blind woman.,” Neuroreport, vol. 11, no. 2, pp. 237–40, Feb. 2000.
  7. K. Christoff, A. M. Gordon, J. Smallwood, R. Smith, and J. W. Schooler, “Experience sampling during fMRI reveals default network and executive system contributions to mind wandering.,” Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, vol. 106, no. 21, pp. 8719–24, May 2009.
  8. R. L. Buckner, A. Z. Snyder, et al. “Molecular, structural, and functional characterization of Alzheimer’s disease: evidence for a relationship between default activity, amyloid, and memory.,” Journal of Neuroscience, vol. 25, no. 34, pp. 7709–7717, 2005.

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