Entendu à Impatience une interview de Kathryn Hess Bellwald, prof de maths à l’EPFL (disponible en mp3 ici). Elle y raconte son enfance d’enfant à très haut potentiel aux USA, qui l’a poussée à créer le cours Euler pour les petits génies suisses romands, et parle un tout petit peu de topologie algébrique.
Mais le passage que j’ai trouvé les plus intéressant concerne les raisons pour lesquelles les filles ne crochent pas autant au maths que les garçons. Elle raconte une discussion avec son fils aîné (à 20:50) qui remarquait que les filles se désinscrivait de l’option « maths renforcés » au bout d’une année de gymnase (= 1ère année de préparation au bac, vers 16 ans. L’option « maths renforcés » correspond aux exigences de l’ancienne orientation « scientifique », avec quelques heures de cours supplémentaires).
Selon ses observations, les filles sont plus sensibles à la baisse de leurs notes qu’entraine un niveau plus élevé. Alors qu’un garçon ne se fait pas de souci tant qu’il obtient la moyenne, et restera dans l’option tant qu’il pourra, une fille le prend comme un échec et se dit qu’en choisissant une autre option, elle aura une meilleure moyenne, et abandonne les maths pour l’art ou une autre discipline « facile ».
Entendre ceci a provoqué un déclic, car j’ai souvent remarqué une différence dans l’approche des études entre garçons et filles sans vraiment arriver à la qualifier. Je me surprends souvent à dire à mes filles que les notes n’ont pas d’importance, que c’est ce qu’on apprend qui compte et qu’en étudiant bien, les évaluations ne sont que des formalités administratives. Mais elles ne le prennent pas comme ça. Et j’ai vraiment vu beaucoup plus d’étudiantes que d’étudiants malades de stress avant les épreuves, prendre des calmants etc.
Je n’ai pas le temps de faire des recherches sur des recherches (sic…) qui vérifieraient cette différence garçon/fille expérimentalement. En connaissez-vous ? Avez-vous remarqué la même chose ?
17 commentaires sur “Filles, maths et notes”
un article sur le sujet avec expériences chiffrées effectuées aux USA : http://www.slate.fr/story/35221/auto-sexisme-mental-femmes-mathematiques
Vu cette info sur les stats garçons/filles dans l’éducation :
Passages intéressant :
Et pourquoi pas aussi l’inverse, si on vise l’égalité et la réduction des stétéotypes ?
Voici mon explication très personnelle des écarts homme/femme.
Comme bcp de monde, je suis contre la différenciation hommes/femmes dans l’éducation, la vie professionnelle, …
Mais étant père de 3 jeunes garçons (et après le passage chez 3 pédopsychiatres pour finalement trouver le bon pour un problème banal…), j’ai été obligé d’admettre les constats suivants (très synthétique):
Dans la société moderne, le père est plus sollicité qu’avant pour s’occuper des enfants. Souvent notre manière de nous en occuper est de jouer avec eux. Bilan : on est plus accessibles et moins autoritaires. Ceci créé un déséquilibre entre le rôle du père et de la mère. Les enfants ont du mal à positionner leurs parents et donc de se positionner dans leur entourage (Cf test remarquable du dessin des arbres).Ce problème est TRES TRES fréquent dans notre société.
Chez les parents, chacun en fait a un rôle à jouer :
– la mère doit consacrer 70% de son temps à donner de l’affection, de l’écoute à ses enfants / elle doit consacrer 30% de son temps à user de son autorité.
– pour le père, c’est le contraire : 30% / 70%. L’autorité doit primer dans le rôle du père (et je ne me considère pas un père faible – juste ayant privilégié la proximité avec le jeu et l’éveil par rapport à l’autorité – depuis que j’ai complété mon rôle avec plus d’autorité, tout est rentré dans l’ordre).
Ceci explique en partie l’éducation différente entre le garçon et la fille. Cette différence est donc en partie justifiée (il y a cependant encore de nombreuses différences à gommer : certains jeux unisexe, potentiel professionnel, …).
Cette différenciation justifiée dès la naissance induit donc un comportement différent face à tous les autres évènements de la vie – notamment professionnelle.
Je ne dis pas qu’il ne faut rien changer – juste qu’une partie non négligeable des différences d’éducation garçon/fille est justifiée pour qu’ils aient ensuite des enfants équilibrés – et que cela a des conséquences dans la vie scolaire et professionnelle. Lesquelles exactement ? Ceci est un autre débat.
Dans le même principe, un exemple frappant de conditionnement est l’apprentissage de la conduite : lorsqu’une fille s’inscrit dans une auto école, on lui rappelle que la moyenne d’heure de cours nécessaire au passage du permis est de 2 ou 3h supérieure à celle des hommes…
Article intéressant et contributions tout aussi intéressantes. Désolé je me rends compte que mon commentaire est long, J’espère qu’il ne sera pas indigeste 🙂
J’avais aussi lu un article sur un sujet similaire à l’article pointé par Léna. L’article abordait le poids de la différentiation éducative garçon / filles dans le maintient des stéréotypes. Et le pire c’est que cette éducation différenciée se fait de façon inconsciente.
L’article prenait l’exemple des jouets. Les filles ont souvent des poupées et des bébés en poupée ou bien une dinette tandis que les garçons auront des voitures ou des figurines guerrières.
Il y a déjà une reproduction du schéma typique : les filles cela s’occupe des enfants et des tâches ménagères tandis que les garçons cela s’occupe de la technique et c’est normal que cela soient les dominants.
Il est frappant de voir les rayons des grands surfaces aux fêtes de Noël : il y a des rayons filles avec poupées et mini aspirateurs et des rayons garçons avec des voitures et des « Gi Joe ».
Les jeux de construction son aussi souvent dans le rayon garçon. Or souvent il est indiqué sur les boites de Lego, Mecano, etc… que ces jeux participent à l’évolution cognitive de l’enfant. Sans valider ou infirmer l’argument, il est quand même surprenant que les jeux considérés comme améliorant le raisonnement des enfants soient dans le rayon garçon !!!
Enfin, les publicités dont sont abreuvés nos enfants, ou les emballages des jouets en question sont souvent sexistes.
Exemple frappant chez Smoby :
Un charriot pour jouer au docteur (sans mauvais esprit 🙂 est illustré avec un garçon tandis que le charriot pour le ménage est illustré avec une fille.
http://www.twenga.fr/dir-Jeux-Jouets,Jeux-d-imitation,Jouets-d-imitation-2672
Pour avoir acheté à ma fille le charriot « medical tronics » je confirme que l’image affichée sur le site est celle aussi imprimée sur la boite du jouet. Je suppose qu’il en est de même pour le chariot de nettoyage.
J’avais oublié que je voulais envoyer une lettre de protestation à Smoby. Cool je vais finir la rédiger cette lettre.
Conclusion:
Lorsque j’avais lu ces articles ma fille n’était qu’un nourrisson. C’est à ce moment que j’ai pris conscience de la responsabilité des parents dans les schémas éducatifs.
Et donc ma fille a indifféremment des jouets de « filles » et de « garçons » comme cadeaux. Et je lui explique déjà qu’il y a des imbéciles qui disent que les filles sont moins intelligentes que les garçon et qu’il ne faut pas les croire.
Et cet article est une bonne piqûre de rappel pour ne pas laisser s’installer dans l’esprit d’un enfant que chaque sexe n’est pas plus doué / intelligent dans un domaine scolaire qu’un autre.
Cela me fait penser que les livres comme « les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus » ou bien « Pourquoi les hommes n’écoutent jamais rien , et les femmes ne savent pas lire les cartes routières » sont de formidables moyens de laisser les stéréotypes persister.
Une remarque : dans les années 50/60, le latin était la matière de sélection de l’éducation nationale. Les prépas littéraires étaient alors remplies de garçons.
Ensuite ce rôle a été dévolu aux maths et…
Il y a donc aussi une sorte de conditionnement social qui pousse les garçons à vouloir occuper les places les plus prestigieuses, et qui pousse parallèlement les filles à s’en désinvestir.
Un responsable de la scolarité dans une école d’ingénieur m’expliquait récemment qu’à études exactement égales les élèves-filles de son école acceptaient des postes moins bons et moins bien rémunérés que les garçons. De plus la suite de leur carrière était aussi moins bonne, car elles négociaient moins volontiers des augmentations de salaires, des améliorations des conditions de travail, etc.
Je lui ai demandé s’il avait une explication de ce phénomène, et il m’a explicitement cité le fait que les filles elles-mêmes étaient moteur dans ce phénomène, car rien ne les oblige à accepter ces postes ! Il n’y a en effet pas vraiment de chômage à la sortie de cette école d’ingénieur : tous les élèves ont un large choix de carrières et de rémunération.
Cela laisse songeur quand à la puissance de l’intériorisation des conditionnement sociaux…
J’aime bien ce point de vue ZA, je n’avais vu les choses sous cette angle.
Toujours dans le principe, quelque chose m’a toujours étonné : dans toutes les classes où j’ai été, la tête de classe a toujours été masculine, et ça n’a fait qu’empirer au fil des ans, jusqu’en terminale où y’avait que 2 filles dans les 8 premiers…
C’est peut etre un hasard, je ne prétends absolument rien, les classes dont j’ai fait parti ne peuvent suffire à supposer quoi que ce soit, mais ça m’a toujours surpris. D’autant plus qu’en primaire ou au collège, la tête de classe était totalement mixte.
Deux commentaires.
1. On lit souvent que les filles attachent de l’importance au succès scolaire parce que c’est une preuve qu’elles ont de la valeur, qu’elles sont dignes d’être aimées, car, contrairement aux garçons, la séparation d’avec le sein nourricier de leur mère n’a pas été compensée par la relation de séduction liée au complexe d’Oedipe.
2. Il me semble que les filles sont viscéralement, de manière ancestrale, attachées à la vie humaine plus que les garçons. Créer la vie, maintenir la vie, être en relation avec d’autres vies. Ce qui peut expliquer le choix de filières BCPST plus que de prépas MPSI/PCSI, en apparence plus « matérielles ». Idem pour les prépas HEC : convaincre, échanger de l’argent, manager, c’est être en relation avec d’autres humains. (N.B. C’est juste une sensation de femme, pas un jugement ; personnellement j’adore les maths et leur dimension philosophique…).
Mais au niveau du lycée en tous cas cette attitude s’avère productive : il y a plus de filles qui ont leur bac, plus de filles qui ont un bac général, et avec un meileur taux de succès.
Statistiquement il y a aussi plus de filles qui sortent de l’enseignement supérieur avec un diplôme.
Étant moi-même lycéen c’est ce que je remarque aussi, vous allez penser que je dramatise mais ce qui suit je le vois très fréquemment : Souvent, à l’issue ou à la veille d’un contrôle (tout bête, rien de bien important) les filles (pas toutes bien sûr) pensent comme ceci :
* Si je n’ai pas une bonne note ça va faire baisser ma moyenne
* Si ma moyenne baisse [insérer ici une conséquence que la famille inflige à l’enfant qui souvent n’est pas si grave qu’elles ont l’air de le penser] et je vais devoir avoir « telle » note pour la remonter
* ça veut dire que je vais devoir travailler plus dur, j’y arriverai jamais [ajouter ici la longue complainte de « je suis nulle j’y arriverai jamais »]
* Avec un mauvais bulletin j’intégrerai jamais la formation que je veux
* Bla bla bla je suis trop nulle j’y arriverai jamais (je paraphrase)
Alors que finalement ils obtiennent pas une note si catastrophique. Et même si c’était le cas c’est jamais sur une seule note qu’une orientation se joue…
Tout ça pour dire que j’ai effectivement remarqué cette propension à se projeter dans le futur tout en y incluant les pires scénarios le tout basé sur la peur d’avoir une mauvaise note.
*
Khâgne et Hypokhâgne sont également des filières majoritairement féminines.
Et effectivement, on trouve en BCPST environ 10 hommes pour 35 femmes… Ce n’est donc pas seulement dû à un critère de difficulté, ou d’attachement aux notes.
En revanche, il est étrange que l’on trouve si peu de femmes en MPSI/PCSI qui sont les filières à dominantes maths/physique des classes préparatoires (9 femmes pour 37 hommes dans ma classe cette année).
Et paradoxalement, la matière dominante de la prépa hec (la plus équilibrée, environ 50% de chaque sexe) est les maths.
Pour les études supérieures, je crains qu’on ne puisse pas trouver d’explication simple…
Il y a quand même une majorité de filles dans certaines filières très sélectives où les notes ne doivent pas être bien élevées non plus (concours de médecine, prépa BCPST, prépa HEC…)
Marrant, j’ai eu la même impression à de nombreuses occasions, dans mon entourage proche; Les garçons ont apparemment une plus grande capacité à encaisser les échecs scolaires. Cela mériterait une analyse plus poussée qu’un simple sentiment.
C’est assez connu en psychologie sociale, ça s’appelle la menace du stéréotype : http://www.cndp.fr/archivage/valid/66976/66976-10066-12589.pdf par exemple.
Merci pour la référence, Léna. Ok, la « menace du stéréotype » explique pourquoi moins de filles choisissent les branches scientifiques, ou pourquoi elles sont plus stressées pendant les épreuves de maths.
Mais il me semble que ça ne recouvre pas bien le cas où les filles ont de bonnes notes en maths (au moins aussi bonnes que les garçons), s’y intéressent (elles choisissent l’option « maths renforcées »), et puis renoncent après un an alors que leurs notes ne sont pas forcément plus faibles que celles des garçons, juste plus faibles (comme eux) que ce qu’elles obtenaient avant…
D’après Anne, une spécialiste du domaine que je connais et qui m’a répondu par e-mail :
Si, la menace du stéréotype peut expliquer ce phénomène, avec beaucoup d’autres aspects, liés au développement des jeunes (à l’adolescence, il y a un retour à une rigidité face au respect des codes sexués) et la socialisation différenciée des filles et des garçons dès le berceau qui a des impacts sur le long terme.
Elle a promis de détailler dès qu’elle aurait le temps
Intéressant ! D’instinct – bien que je n’y ai jamais pensé comme ça – j’ai l’impression que ça recouvre une réalité. Réalité qui ne doit pas être très difficile à vérifier expérimentalement je pense.