Dans son article « L’essence à prix d’or noir » sur Domaine Public, Yvette Jaggi constate que l’augmentation du prix de l’essence souhaitée par les Verts n’a pas d’effet sur la consommation. J’y ai soumis le commentaire suivant:
La demande en essence est notoirement « inélastique » : une hausse des prix de 10% ne provoque une baisse de consommation que de 3%, voire 0.4% selon les études. Ceci pourrait changer brutalement si le pétrole devenait plus cher qu’une énergie de remplacement. Comme un litre d’essence fournit l’équivalent de 13.7 kWh d’électricité, soit Frs 2.70 à 20 cts/kWh, on peut donc penser que le moment approche où la mobilité basée sur le pétrole sera remise en question.
Mais si on considère qu’1 Fr par litre est en réalité un impôt et qu’à long terme l’Etat devra soit également taxer l’hydrogène ou l’électricité utilisée pour la mobilité individuelle, soit augmenter d’autres impôts, il faut se rendre à l’évidence : le prix du brut doit encore tripler avant que les énergies de substitution deviennent compétitives.
De plus, si le pétrole vaut aujourd’hui 130$ le baril, il faut savoir que seuls les gisements où les couts d’extraction sont inférieurs à $15 le baril sont actuellement exploités. Même en comptant le transport, le raffinage et de gros bénéfices, les pays producteurs de pétrole ont une large possibilité de maintenir les prix du pétrole au dessous du prix des énergies alternatives jusqu’à l’épuisement de leurs gisements. Qui peut leur reprocher d’exploiter au maximum leur ressources naturelles, et même d’en abuser si elles ne leur coutent pratiquement rien?
D’autres pays, comme le Canada par exemple, attendent avec impatience que les prix du pétrole montent de façon définitive à des niveaux leur permettant d’exploiter à leur tour de lucratifs gisements de schistes bitumineux ou de charbon…
Le prix actuel du pétrole est un peu du à la spéculation, un peu à la hausse du dollar, beaucoup à la baisse de la production russe suite à une énorme taxe à l’exportation imposée par le Kremlin. Mais à long terme il n’y a que peu de doute : le prix du pétrole augmentera encore, puis se maintiendra pendant des décennies juste en dessous des énergies favorisées par les « verts » et ceci jusqu’à épuisement des ressources.
2 commentaires sur “L'essence à prix d'or noir”
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Philippe Guglielmetti
Le 8 août 2014 10:03, « Disqus » a écrit :
À propos des taxes : si c’est fait intelligemment, les taxes se maintiendront ou s’alourdiront sur les produits pétroliers pour encourager la conversion ; et quand le prix de l’énergie verte aura baissé et que beaucoup de gens se seront convertis, les taxes apparaîtront dessus aussi. Pour le moment, ce sont des industries en naissance, il serait idiot de les étouffer. (Ce qui suppose certes de l’État réflexion, vision à long terme et résistance aux lobbys…)
Tu supposes aussi que les énergies vertes seront toujours beaucoup plus chères. J’ai l’espoir que leur prix baisse petit à petit (comme c’est déjà le cas pour le solaire par exemple), car c’est d’abord une question d’investissements dans le jus de cervelle et d’économies d’échelle dans les usines. On verra.