Il y a 3 ans, j’avais publié « On brûlera tout !« , qui dit en substance que le pétrole et le charbon étant tellement bon marché par rapport à toute énergie « alternative », l’humanité consommera de toutes façons toutes les réserves disponibles.
Dans le « Pour la Science » de juin 2007, Ivar Ekeland [1] confirme mon « intuition » par des arguments purement économiques, simples et imparables. Pour commencer, il pose que le prix maximal que peut atteindre le pétrole est celui de la solution de substitution la meilleure marché.
l’idéal pour les producteurs serait que (ce prix maximal du pétrole) soit atteint exactement au moment au moment ou les réserves sont épuisées ». Selon lui, c’est « la perspective d’avoir sur les bras d’immenses réserves dépourvues de valeur (le jour où une énergie de substitution sera meilleur marché) qui fera peser sur le prix du pétrole une pression suffisante pour le faire baisser, ce qui stimulera la consommation.
Il en tire donc la même conclusion que moi : Le résultat final est que le prix du pétrole s’ajustera de manière à ce que tout le pétrole présent dans le sol soit rejeté dans l’atmosphère au moment où la technologie de substitution deviendra compétitive.
Et il va même plus loin:
- Paradoxalement, l’existence de cette technologie va accélérer les émissions de carbone : les producteurs de pétrole vont tout mettre en oeuvre pour vider leurs réserves à un horizon d’autant plus rapproché que la technologie en question est moins coûteuse!
- Subventionner la technologie de substitution ne ferait qu’aggraver le phénomène en rapprochant l’échéance
- On comprend aussi pourquoi (les producteurs de pétrole) s’intéressent tant aux technologies de substitution (…) : c’est pour avoir une meilleure estimation de la date où ils devront avoir fermé boutique et liquidé leur stocks.
Référence :
- Ivar Ekeland « Le pétrole sera-t-il bradé ?« , Pour la Science No 356, juin 2007,
16 commentaires sur “On brulera vraiment tout”
Le gaz de schiste en France jusqu’à maintenant on a décidé de ne pas le bruler…
attends un peu que le prix du pétrole augmente à nouveau, ou que le gouvernement change, ou que la France ait vraiment besoin de pognon…
Oui la question restera toujours ouverte mais il y a aussi des arguments contre l’exploitation de « tout ». Les impacts écologiques (Alberta) et les risques sanitaires (nappe phréatiques menacées) seront de plus en plus considérés. Il y a selon moi un aspect bénéfice/risque à évaluer. Il y a quand même 2 questions à se poser :
1- Est-ce que d’aller de A à B en voiture est plus important (à tout prix) que de respirer correctement en ville ? Peut-être qu’il y a un seuil ou l’envie de mieux respirer dépasse le besoin de se déplacer (aujourd’hui beaucoup de déplacements ne sont pas vraiment nécessaires et relèvent de la paresse en ville… pour mémoire 17 km/h de moyenne à Paris et 20% du temps de trajet à trouver une place). Imaginons un monde avec des réserves infinies. Il y aura un moment où la vie en ville ne sera tout simplement plus possible…même hors pic de pollution
2- A partir de quand il faudra un 1 Joule pour aller chercher 1 Joule de pétrole ? A mon avis il y a du pétrole accessible à 10 Joules pour 1 Joule or celui-la on n’ira pas le chercher…
Il a aussi les problèmes liés au seismic blasting https://youtu.be/VWaoeXvLfzs Allons-nous réellement tout accepter pour mettre chaque jour de quoi passer 2h dans les bouchons ?
Oui tant que ce moyen de passer 2h dans les bouchons coûtera moins cher qu’un autre moyen de passer 2h dans les bouchons…
Tu as 100% raison : on ne devrait pas faire ça. Mais on le fait quand même car:
1) le niveau de civilisation est lié à la consommation d’énergie ( https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89chelle_de_Kardashev , https://drgoulu.com/2009/05/02/pourquoi-seulement-2000-watts/ )
2) le prix d’un produit/service traduit uniquement le travail humain qu’il contient , directement ou indirectement, et nous cherchons à minimiser notre travail, donc nous favorisons les solutions les meilleur marché. A court terme car nous ne payons rien pour d’éventuel désagréments futurs.
C’est triste mais c’est comme ça : si on veut éviter de cramer notre pétrole et notre charbon, il nous faut rapidement une source TRES abondante et TRES bon marché. https://drgoulu.com/2009/11/08/copenhague-shut-up-and-calculate/
Merci pour votre réponse et ces deux liens. On peut en effet compter sur le cynisme des humains pour faire passer leur confort (tout relatif) avant leur survie (je ne sais pas si vivre dans la pollution de Pékin est très confortable). Je voyais 2 objections à l’extraction « infinie » du pétrole :
1- Est-ce que l’on considèrera toujours qu’il est plus important de faire 1km sans utiliser ses jambes que de respirer correctement en ville ? Que de sauver des espèces animales et des régions du monde qui participent à l’équilibre de notre environnement ? Que de protéger les nappes phréatiques des dégâts de la fracture hydraulique ? Peut-être qu’il y a un seuil au delà duquel la dégradation de l’environnement dépasse le besoin de se déplacer (d’ailleurs beaucoup de déplacements ne sont pas vraiment nécessaires et méritent une estimation bénéfice/risque… pour mémoire 17 km/h de moyenne à Paris et 20% du temps de trajet à trouver une place). Imaginons un monde avec des réserves de pétroles infinies. Il y aura un moment où la vie en ville ne sera tout simplement plus possible…même hors pic de pollution, simplement parce que nos poumons n’y sont pas adapté
2- A partir de quand faudra-t-il un 1 Joule pour aller chercher 1 Joule de pétrole ? A mon avis il y a du pétrole accessible à 10 Joules pour 1 Joule or celui-la on n’ira pas le chercher…
C’est pas du cynisme, c’est de l’optimisation : nous sommes aujourd’hui 8 milliards, bientôt 10, et nous vivons près de 70 ans en moyenne contre moins de 50 en 1950. Beaucoup grâce à la diminution de la mortalité infantile : nos bébés ne crèvent plus de faim et de maladie parce qu’on peut amener des vaccins par avion dans des frigos jusqu’au milieu de l’Afrique… Personne n’en a rien a f***re de l’écologie quand on crève de misère.
En passant la pollution industrielle n’est qu’une partie du problème : la désertification et la déforestation sont aussi le fait de populations qui n’utilisent que leurs jambes et respirent correctement, mais ont besoin de bouffe, d’eau et de bois pour les cuire…
Rendre ce niveau de vie soutenable, c’est la prochaine tâche. La vôtre. Moi à 52 ans c’est déjà plus mon problème, mais j’y ai contribué en n’ayant que deux enfants parce que je pense que le problème fondamental est qu’on est trop, pas que le niveau de vie est trop élevé. (Voir mes articles sur https://drgoulu.com/tag/equation-de-kaya/ ) Comme je le dis souvent, vous avez le choix entre réduire volontairement notre population en douceur avec du latex ou qu’elle soit réduite par la faim et la guerre.
On risque de dépenser un jour 10 joule pour 1 joule de pétrole, mais pas pour le brûler, pour le synthétiser ! Comme le disait un jour un gars à la radio « on est complètement fous de brûler ces longues chaines d’hydrocarbures si utiles pour faire du plastique » …
Je pense sincèrement que pour un avenir « vert » nous aurons besoin de beaucoup plus d’énergie qu’aujourd’hui, bien meilleur marché, pour dessaler l’eau de mer, pour trier nos déchets au niveau moléculaire voire atomique, pour synthétiser des matières que nous extrayons actuellement etc. Et pour que nous laissions de la place à d’autres espèces il faudra que ces sources d’énergie soient très concentrées. Oui, je pense au nucléaire.
Entièrement d’accord sur la surpopulation. D’accord aussi pour le pétrole à 10 J pour 1 mais destiné à la pétrochimie (médicaments, plastiques, engrais…). D’accord aussi sur le nucléaire qui ne fait pas de CO2 (une filière au Thorium…). Malheureusement aussi d’accord sur cette alternative faim ou guerre plutôt que retrait démographique. C’est sans doute tout l’enjeu. Mais comme vous dites, les gens qui meurent de faim se foutent de l’écologie et encore plus de la surpopulation. Je crois plutôt au « bon exemple » et aux interdictions
Il y a deux que je pense importants à considérer sur ce sujet :
1° Le prix des énergies est fixé grossièrement par une économie de marché, donc dépendant de l’offre et de la demande. On considère souvent – à tort, il me semble – l’offre de pétrole comme importante en terme de Mbarils. Mais dans une économie de marché, ce n’est pas la quantité fournie qui compte mais le nombre de fournisseurs. Or dans le cas du pétrole, il y a relativement peu de fournisseurs, et ceux-ci possèdent des stocks disparates. Il semble donc qu’évidant qu’il y aura à un moment ou à un autre disparition des « petits » stocks et donc une offre répartie sur un nombre minuscule de fournisseurs. Le prix plafond sera alors le maximum acceptable en préservant la stabilité politique.
2° Quand on considère la densité de stockage énergétique, on ne peut que se rendre compte de la gigantesque supériorité du stockage chimique type carburant. En effet les solutions électrochimiques ne dépasseront probablement pas les 20 MJ/kg alors que les carburants fossiles font typiquement 2 fois mieux. A partir de là, il est logique de considérer la production de combustible fossile artificielle comme principale alternative à l’extraction. Sachant que le produire sans trop consommer d’énergie signifie un mode de production lent.
Evidemment, ce deuxième point est surtout valable dans le domaine du transport, ou la densité de stockage est un point critique.
Sur le prix futur du pétrole, je ne peux que vous recommander la lecture de http://www.manicore.com/documentation/petrole/prix_futur.html
Je vous rejoins entièrement sur la densité d’énergie ( et de puissance ! ) permise par les combustibles ( https://drgoulu.com/2012/10/07/comment-stocker-lenergie/ ). Par contre, je ne vous suis pas pour « considérer la production de combustible fossile artificielle comme principale alternative à l’extraction » : tant que l’énergie (électrique, solaire, nucléaire, ce que vous voulez) nécessaire à produire 1 litre d’essence synthétique coûtera plus cher que l’extraction et le raffinage du même litre, ce ne sera pas une alternative.
Pour que ça devienne une alternative et qu’on laisse le pétrole dans le sol, il faut donc que d’énorme quantités d’énergie très bon marché deviennent disponibles très rapidement…
Les scientifiques étudient l’impact sur le climat de la consommation des énergies fossiles. Pas facile. Plus difficile encore est d’anticiper l’impact de cette consommation sur les grands équilibres géopolitiques. Les pays du Golfe deviennent de plus en plus riches alors que les pays dénués de ces ressources s’appauvrissent ou se lancent dans des extractions hasardeuses. Que va-t-il advenir quand le Katar aura racheté tout le CAC 40, quand une Egypte surpeuplée implosera, nos sociétés seront-elles encore maîtrisable ?
Mais cet argument ne s’appliquerait-il pas aussi aux réserves de charbon qui, elles, ont été remplacées avant d’avoir été épuisées ?
L’argument est intéressant, mais on est (hélas) très loin d’avoir remplacé le charbon. En fait la croissance de la production de charbon a été ininterrompue et s’est même accélérée ces dernières années « grâce à » la Chine. Dans les prochaines années, le charbon va passer devant le pétrole comme principale source d’énergie primaire. Pour rappel, les allemands produisent 57% de leur électricité par le charbon, les USA 47% …
Pour la petite histoire, j’ai lu récemment dans « le Temps » un économiste conseiller d’investir dans le charbon, énergie d’avenir : le « pic du charbon » est prévu tard dans ce siècle, avec épuisement au XXII, voire XXIII ème siècle.
Alors pourquoi pensez-vous, comme d’autres, que le charbon est une énergie du passé ? Peut-être parce qu’en France, en Angleterre et aussi en Allemagne, le charbon a été exploité depuis longtemps, notamment pour l’industrie sidérurgique, et que les coûts d’extraction ont augmenté au fur et à mesure que les gisements s’épuisaient au point de rendre les mines non rentables.
C’est vrai qu’il faut s’entendre sur la notion d’épuisement d’une ressource. Evidemment, il restera toujours du pétrole ou du charbon quelque part, à un coût d’extraction tel qu’il n’aura jamais été rentable de l’exploiter. Mais ça peut changer si l’énergie devient affreusement chère un jour, ou si quelqu’un trouve une technique d’extraction réduisant les coûts, par exemple en remplaçant les mineurs de fond par des bactéries…
Merci, je vais ajuster la place du charbon dans ma chronologie des énergies…