En février, Gilgamesh a publié sur Parcours Etranges un article culte : « Arche interstellaire« , dont je vous ai déjà parlé ici. « Culte » parce que cet article a reçu jusqu’ici plus de 200 commentaires, presque tous constructifs et intéressants, faisant parfois plusieurs pages bien documentées, et que l’on peut suivre facilement grâce au flux RSS de l’article.
Un thème dominant dans les commentaires est celui de la propulsion interstellaire : quelle source d’énergie et quels moteurs utiliser pour atteindre les étoiles ?
(approche de Iota Horlogii vue par Christoph Kulmann, exoplaneten.de)
Pour illustrer la difficulté, les sondes Voyager lancées il y a 30 ans sont actuellement à 1/2 jour lumière de nous, donc environ 1/4000 ème de la distance nous séparant de l’étoile la plus proche… Actuellement, seuls le moteur ionique permet d’envisager envoyer des engins plus vite et plus loin, mais sa très faible poussée limite son usage à des sondes automatiques légères.
L’Arche de Gilgamesh utiliserait la fusion thermonucléaire pour propulser un énorme cylindre abritant 5000 voyageurs vers une étoile proche (10 années lumière) en 700 ans.
Dans « Accélération« , j’ai décrit un voyage de 10 années lumière en 11 ans seulement, mais seulement 3 pour la petite équipe de passagers d’un vaisseau « léger » accélérant jusqu’à la vitesse de la lumière. La technologie de propulsion n’est pas décrite, mais je rêvais à une sorte de réacteur à antimatière catalytique, que Gilgamesh a rapidement démonté (merci …).
Cependant, Gilgamesh vient d’indiquer dans un commentaire ce site dédié à la propulsion par antimatière. Outre le fait d’être en anglais, ce site est graphiquement horrible, impossible à lire sur ce fond noir et bleu… J’ai fait l’effort pour vous, et voici ce qu’il en ressort:
- L’Université de Pennsylvanie a proposé un moteur « ACMF » pour « Antimatter Catalyzed Micro Fission/Fusion » consistant en gros a faire exploser de minuscules bombes H faites de pastilles d’Uranium, de Deutérium et de Tritium en les bombardant avec des antiprotons.
Un vaisseau « ICAN-II » a même été projeté : il ressemblerait à ça:
Cet engin pourrait emmener quelques personnes vers Mars et retour en 120 jours seulement, en consommant 140 nanogrammes d’anti-protons (qui pourraient être produits en 1 an au CERN par exemple) et 360 tonnes de micro bombes H… Plus d’infos sur ce projet ici.
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Un autre propulseur envisagé par l’Université de Pennsylvanie est l’AIM, pour « Antimatter Initiated Microfusion« . Comme pour l’ACMF, il s’agit en fait de fusion déclenchée par des antiprotons. La sonde AIM-Star propulsée par cette technologie serait capable d’aller environ 100x plus loin que les sondes Voyager en 50 ans, mais nécessite 28.5 microgrammes d’antiprotons, donc beaucoup plus que ce que l’on est capable de produire actuellement.
- On pourrait imaginer utiliser de l’antimatière simplement pour chauffer un plasma qui serait expulsé du réacteur, mais ce « Plasma Core Antimatter Drive« , bien que plus simple, n’a pas un rendement aussi bon que les solutions précédentes.
- Le vrai moteur de science-fiction, c’est le « Beamed Core Antimatter Drive » dans lequel les particules à très haute énergie produites par l’annihilation sont directement expulsées vers l’arrière du vaisseau à la vitesse de la lumière, et permettent donc d’atteindre des vitesses relativistes. Mais il y a plusieurs « détails » à régler:
- si j’ai bien compris, le moteur doit faire dans les 2km de long pour bien focaliser les particules
- le moteur produit des rayons gamma partant dans tous les sens, ce qui nécessite un blindage très important pour protéger les passagers
- ici, ce sont des tonnes, voire des milliers de tonnes d’antimatière dont on a besoin. Comme le souligne Gilgamesh dans son article, l’énergie dont on parle ici correspond à plusieurs fois les réserves totales d’énergies fossiles disponibles sur Terre. Peu de chances de voir un départ de vaisseau interstellaire dans les prochains siècles donc.
5 commentaires sur “Arche interstellaire et moteurs à antimatière”
et l’Énergie du vide? ça pourrait être un bon moyen
je voulais faire un article à l’occasion sur l’énergie du vide, mais l’article de la wikipédia est déjà très clair : oublie.
En gros, selon certains calculs l’énergie potentielle du vide est énorme mais alors on ne connait aucun « endroit » ou elle plus faible, et on est incapables de créer une différence de potentiel par laquelle cette énergie s’écoulerait et pourrait être captée. C’est un peu comme si on disait que les océans sont un réservoir gigantesque d’énergie hydraulique puisqu’ils sont à 6370 km du centre de la Terre. C’est vrai, mais comme la Terre n’est pas creuse on ne peut pas faire de tuyau ni de turbine.
L' »énergie du vide » recouvre une autre notion, celle des fluctuations quantiques du vide qui sont mises en évidence dans l’effet Casimir. Là on peut effectivement mesurer une force, très faible, mais on ne peut pas créer de cycle. Un « moteur à effet Casimir » ressemble beaucoup à une machine à mouvement perpétuel : les deux plaques se rapprochent, ok, mais ensuite comment on fait pour les écarter en dépensant moins d’énergie que ce que leur rapprochement a produit ?
La fameuse « énergie noire » invisible des physiciens modernes ne pourrait-elle pas être utilisée pour la propulsion ?
pour l’instant on n’a aucune idée de ce que cette matière noire peut bien être. Tout ce qu’on sait c’est qu’elle a une masse, donc en principe elle correspond à une énergie via e=mc^2. Cependant il semblerait qu’elle n’influe pas ou très peu sur la matière ordinaire hormi par la gravité, donc il sera a priori difficile de la mettre en réservoirs, de la faire régir avec quelque chose pour exercer une poussée sur un véhicule spatial de matière ordinaire…
Merci pour ce billet, des informations très intéressantes.