Dans la Tribune de Genève du 4 septembre, Anne-Muriel Brouet expose un point de vue courant selon lequel « l’hydrogène est une, si ce n’est l’énergie de l’avenir ». Et, bien que le mot « source » n’apparaisse nulle part dans son article, le chapeau énonce clairement que l’hydrogène serait « un espoir de ressource propre ».
Malheureusement, l’hydrogène n’est pas une « ressource », encore moins une source d’énergie. C’est un « vecteur énergétique », un moyen de stocker et de transporter de l’énergie d’un point à un autre, par exemple dans le réservoir d’un véhicule, mais l’énergie produite dans la pile à combustible ou tout autre dispositif brulant de l’hydrogène provient d’une autre source d’énergie : celle qui a permis de produire l’hydrogène.
En effet, s’il n’y a plus d’hydrogène libre sur Terre, c’est qu’il a déjà brulé. Mais vous pouvez vous baigner dans ses cendres : l’eau est de l’hydrogène brulé, ce qui rend d’ailleurs impossible le fameux « moteur à eau » dont les plans auraient été cachés par les géants du pétrole…
Mais on peut « dé-bruler » l’eau en l’électrolysant : avec un courant électrique, on dissocie les molécules H2O de l’eau en Oxygène et en 2 Hydrogène. Une pile à combustible fait ensuite l’inverse et produit exactement la même quantité d’eau et la même quantité d’énergie électrique que ce qui a été nécessaire pour l’électrolyse. Pas plus. Plutôt moins en raison des pertes.
Si 99% de l’hydrogène est produit par « reformage du gaz naturel », c’est simplement parce qu’il est beaucoup moins cher de puiser dans une ressource existante que de la produire. Le méthane étant du CH4, « il suffit de » séparer le Carbone des 4 Hydrogène. Ceci se fait à haute température et haute pression, et a pour résultat de transformer 1 Kg de gaz inflammable produisant 50’000 kJ lorsqu’il brule en 250 grammes d’un autre gaz, encore plus inflammable voire explosif, difficile à transporter, et qui ne dégage que 30’000 kJ en brulant !
Avec cette solution, l’automobile « du futur » ne crachera effectivement que de l’eau, mais continuera à consommer des ressources non-renouvelables et délèguera le problème de l’élimination du carbone à une raffinerie d’hydrogène qui consommera 40% de l’énergie du méthane pour donner une belle conscience verte à ses consommateurs, tout en présentant des risques d’accident considérables par rapport à une raffinerie de pétrole…
M. Hayek, génie du marketing, va probablement réussir à vendre des produits que l’on est maintenant capables de réaliser techniquement à un marché avide de solutions propres. Mais l’hydrogène n’étant qu’un vecteur, la question de la source d’énergie reste entièrement posée et, comme je l’ai déjà montré dans « On brulera vraiment tout« , il n’y aura pas de solution tant qu’il restera du pétrole ou qu’on arrive à exploiter la fusion thermonucléaire.
23 commentaires sur “L’Hydrogène, énergie du futur ?”
Merci pour l’antépénultième paragraphe.
Plusieurs articles de journaux non scientifiques font état d’une découverte : fabrication de kérosène avec de l’eau de mer. Il s’agirait par electrolyse de récupérer le CO2 et H2 pour en faire un carburant. Je suis sceptique, qu’en penser ?
Peut-on récupérer plus d’énergie que l’on en a mis pour procéder à cette synthèse ?
intéressant. Je crois que la source est celle-ci http://www.nrl.navy.mil/media/news-releases/2012/fueling-the-fleet-navy-looks-to-the-seas, mais je n’y trouve pas de bilan énergétique. Mais aucun doute, il est négatif : il faut apporter (beaucoup) d’énergie au processus.
Le kérosène c’est du C10H20 en moyenne. En brûlant dans le moteur du bateau, la réaction est C10H20 + 15 O2 → 10 CO2 + 10 H2O + énergie . Pour le synthétiser, « il suffit de » renverser l’équation : 10 CO2 + 10 H2O + énergie → C10H20 + 15 O2
Une bonne partie du terme « énergie » correspond à la dissociation de l’eau, donc on peut effectivement écrire 10 CO2 + 10 H2 → C10H20 + 5 O2 pour masquer la difficulté : pour produire le H2 en électrolysant l’eau, il faut BEAUCOUP d’énergie (je laisse la calcul en exercice à un étudiant en chimie de passage..)
D’ailleurs certains articles mentionnent des navires nucléaires… c’est peut-être la solution, car on peut extraire de l’uranium de l’eau de mer 😉
L’argument « écolo » me laisse sceptique : ce carburant sera brûlé, donc re-dégagera exactement la quantité de CO2 extraite. On brûlera le pétrole un peu moins vite, donc il y en aura plus longtemps…
En définitive, l’intérêt me semble surtout être d’économiser des voyages de navires ravitailleurs.
Je n’ai pas bien compris. Quand on brule du kérosène, on dégage de l’énergie. Quand on le synthétise, on en absorbe autant, voire un peu plus. L’idée serait donc de synthétiser du kérosène en mer grâce à une source nucléaire pour pouvoir le brûler ensuite. Quel est l’avantage par rapport à utiliser la source nucléaire directement pour faire avancer le navire ?
Pour l’instant la propulsion nucléaire est lourde, réservée aux porte-avions et aux sous-marins. Si j’ai bien compris, l’idée de la Navy consisterait à remplacer les navires de ravitaillement qui « refuelent » les bateaux plus petits, frégates, destroyers etc.
En passant, de plus en plus de bateaux ont une « transmission électrique » : le moteur diesel est couplé à une génératrice qui alimente des moteurs électriques entraînant directement les hélices. Les pertes sont étonnamment plus faibles qu’avec des arbres mécaniques dotés de paliers, cardans etc, et on peut inverser ou orienter les hélices plus facilement. Alors pourquoi pas des navires électriques ? Juste parce que le pétrole est plus dense en énergie…
Ce fuel synthétique, c’est une batterie liquide 🙂
A l’occasion d’une discussion de plus sur le sujet, j’ai trouvé un très intéressant travail sur l’économie de l’hydrogène : http://www.dotynmr.com/PDF/Doty_H2Price.pdf
Bonjour
Cet article me plait beaucoup et j’espère un jour que tous les conducteurs du monde entier utilisent l’hydrogène comme énergie idéale…..cette source d’énergie inépuisable et non polluante.
Il faut tenir compte qu’il y a dans ce monde des dizaines de millions de personnes qui souffrent également des graves maladies respiratoires !!!….. J’ai l’honneur que je puisse un jour respirer l’air frais et de faire le sport….Oui ça peut être une réalité pour tout le monde!
On doit tous soutenir les industries propres afin d’assurer le plaisir de vivre sans aucun produit ou air toxique « CO2 » !!….je crois bien que notre unité devient progressivement une force pour demain.
Soyons tous une clientèles pour Honda FCX Clarity, Mazda RX-8 Hydrogen RE, ou encore BMW H7 et pour tous les constructeurs à hydrogène.
Merci à vous tous et bonne route.
un récent rapport français est quelque peu pessimiste sur l’utilisation de l’hydrogène dans l’automobile :
http://www.techno-science.net/?onglet=news&news=6112
@carton
Je ne suis pas vraiment un expert du sujet, seulement un grand curieux un peu critique …
A mon avis on confond trop souvent science, technique et économie dans ce type de problème, et je vous conseille d’aborder ces 3 thèmes en distinguant bien:
– la science : ce qu’on peut théoriquement faire, la recherche etc.
– la technique : ce qu’on est capable de faire actuellement à l’échelle industrielle. Ce qu’on arrivera à faire peut-être demain, c’est de la science(+fiction).
– l’économie : combien coutent les solutions techniques. Si elles coutent moins cher que les solutions actuelles, pas de problème ça va marcher. Si elles coutent un peu plus cher (<30%), avec des subventions, des taxes ou le développement du marché elles peuvent devenir compétitives. Mais les solutions qui coutent plus de 2x plus cher que la technologie actuelle, c’est de la science-fiction.
Pour revenir à l’hydrogène, une fois qu’on a bien expliqué (science) que c’est un vecteur d’énergie et pas une source, il faut traiter 3 problèmes :
– la production d’hydrogène : par électrolyse (d’ou vient le jus) et par reformage (que faire du CO2) en comparant les couts et les rendements
– le transport et le stockage (réservoirs à hydrogène, autonomie des véhicules, pipe-lines etc)
– l’utilisation de l’hydrogène : pile à combustible contre moteur à explosion, rendement, cout, durée de vie etc.
Voilà en gros le plan d’un travail sur le sujet tel que je le vois. Concernant les liens, je n’ai rien de plus que ce que j’ai indiqué dans les articles. Je vous conseille de bien lire et comprendre ce qui est arrivé en Islande, pays qui a massivement investi dans l’hydrogène depuis longtemps, avec des résultats pour le moins mitigés.
Petit détail sur le stockage de l’H2 : cette petite molécule traverse tout les matériaux.
je suis etudiant et je dois soutenir un dossier sur la production d’hydrogène. Je vous serez reconnaissant de me donner des conseils pour ne rien oublier sur le sujet! Et peut etre me donner quelques adresses ou me diriger pour avoir plus amples informations sur la region de dijon! Merci d’avance
Oui François, c’est « peut être une solution miracle ». Mais pour l’instant, « les recherchent tentent », pour reprendre tes termes.
Ayant fait moi-même un peu de recherche (le « Dr. » n’est pas usurpé 😉 ) et d’innovation technologique, suivant depuis longtemps de nombreux travaux qui tentent de mettre au point de magnifiques solutions miracles, j’ai du me rendre à l’évidence : des fois ça marche, mais très souvent ça ne marche pas, ou pas assez bien, ou c’est trop cher, ou ça pollue encore plus. Comme je le dis souvent, c’est pour ça que la recherche ne s’appelle pas la trouvaille…
A part la fusion, j’ai deux exemples concrets dans des domaines proches de celui que tu mentionnes :
1) les cellules solaires translucides de Graëtzel qui marchent très bien en labo depuis 1991. Elles devaient envahir le monde en quelques années. 15 ans après, on peut enfin en produire industriellement, et d’après la roadmap européenne de l’énergie photovoltaïque, elles seront une contribution potentiellement significative autour de 2020.
2) En 1996 est paru dans le journal « Pour la Science » un article sur des bactéries pouvant réduire l’oxyde de cuivre et donc permettre l’extraction de ce métal. 10 ans plus tard, en 2006, le procédé est industrialisé et prêt a être testé au Chili, dans une mine ayant fort heureusement la bonne température pour les p’tites bêtes, et fort heureusement aussi après la hausse des cours du cuivre qui rend la chose rentable.
Donc quand tes archéobactéries OGM dissocieront l’eau à la surface des océans et qu’on arrivera à collecter l’hydrogène ainsi produit de façon compétitive par rapport aux autres méthodes, j’écrirai un article là dessus, promis !
D’ici là, si tu as un link sur le sujet, ça m’intéresse quand même car je n’ai rien trouvé.
Les miracles ça ne marche qu’avec l’église. Quand les savants retrouveront la voie du seigneur, on fera de vrai progrès.
Non j’ai pas bu mais oui c’est une blague.
je suis entièrement d’accord avec toi sur le fait que la plupart des écolos font mirroiter l’hydrogène à une population mondiale complètement dépassée par la physique et la chimie, comme une énergie miracle. certe il faut encore le fabriquer cette hydrogène. et c’est là où il y a peut etre une solution miracle: les archéobactéries OGM. de nombreuses recherches tentent de modifier des souche faiblement productrices d’hydrogène pour en faire de véritables usines fonctionnant simplement avec un milieu nutritif et beaucoup de photosynthèse. c’est, et j’en suis convaincu, la solution de demain, mais tu n’en parle nulle part. je t’encourage donc à étayer ton article, car pour moi tu passe à coté de la solution la plus efficace à long terme, que ce soit en matière de cout, de capacité de production, … etc
François : « la plupart des écolos font miroiter l’hydrogène » 😮 Heu, vos sources sont spécieuses me semble-t-il. Les « Ecolos » comme vous dites sont plutôt pour la sobriété, l’efficacité et les énergies renouvelables. Jamais vu un plan d’action hydrogène dans le programme d’EELV ou des Verts avant.
http://lyon.eelv.fr/hydrogene-lillusion-de-lenergie-propre/
Bonne question Janni. D’après cette page, le prix d’un kg d’hydrogène obtenu par électrolyse est actuellement de $8, alors qu’il correspond (thermiquement) à un gallon d’essence vendu $2.50 (fin 2006). D’après cet autre article, le kg d’hydrogène pourrait baisser aux alentours de $2 vers 2010, donc être moins cher que l’essence, à condition que les Etats renoncent à taxer ce carburant…
Personnellement, j’estime cependant qu’il y a une bulle dans cet optimisme : le prix de l’électrolyse est calculé à partir du prix de l’électricité nucléaire en surproduction la nuit, et pas à partir de celui de l’énergie solaire de jour, 4 à 5x plus élevé. En fait il faut bien réaliser qu’à court terme hydrogène veut dire gaz naturel, à moyen terme (le temps de construire les centrales) ça veut dire nucléaire, et à long terme, une fois qu’il n’y aura plus de pétrole, peut-être, solaire très cher…
eceque le prix de la resource de l’hydrogène est cher
laissé un commentaire à l’ article « le moteur à hydrogène largue les amarres » sur News.fr présentant un bateau de pêche à hydrogène :
Sur le papier c’est très bien, mais hélas l’hydrogène produit par électrolyse coute 3 à 4 x plus cher que le fioul correspondant… En fait 99% de l’hydrogène est produit à partir du méthane (CH4) en « enlevant » le Carbone qui devient… du CO2 ! (sauf avec un nouveau procédé expérimental qui fait du graphite) En réalité, la pile à combustible fonctionne à l’hydrogène parce qu’on a jamais réussi à en faire fonctionner une avec du gaz naturel, qui fournit plus du double d’énergie en brûlant …
D’ailleurs l’Islande, qui avait un ambitieux programme de développement d’une économie de l’hydrogène à partir d’électricité géothermique fait marche arrière : des usines d’aluminium sont venues s’implanter pour profiter de l’électricité bon marché, et les véhicules y compris les bateaux fonctionneront au fioul tant qu’il y en aura …
L’article mentionne un site+document assez complet et intéressant pour la promotion de l’hydrogène : http://www.alternative-hydrogene.com/, sur lequel j’ai laissé unautre commentaire:
Merci pour cet article relativement complet. A mon humble avis, il y a certains points qui sont omis et maintiennent le lecteur néophyte dans le flou de « l’énergie miracle » :
1) 99% de l’hydrogène n’est pas produit par électrolyse mais par reformage du méthane (CH4), processus qui dégage le CO2 à la raffinerie plutôt que chez l’usager
2) ceci parce que l’électricité (peu taxée) est 3 à 4 fois plus chère que son équivalent énergétique fossile (qui rapporte beaucoup d’argent à l’Etat)
3) la « dépendance énergétique de la France de 50% » signifie que la substitution des hydrocarbures nécessite un doublement de la production d’électricité : il faut trouver 20 sites de plus pour construire une 60aine de réacteurs nucléaires en 50 ans. Top chrono !
A part ça, utiliser de l’hydrogène comme carburant dans le moteur thermique de la BMW H2R est une aberration. Enlevez cette « référence » tout de suite ! 😉
Une nouvelle méthode de reformage du méthane a été mise au point, du moins en labo. Elle ne produit pas du CO2 avec le carbone mais du graphite. Pas encore du diamant, mais c’est déjà un progrès.
Viens de repenser à une chose : l’Islande, qui bénéficie d’exceptionnelles sources d’électricité géothermiques et hydrauliques a décidé il y a quelques années de passer au « tout hydrogène » de manière à pouvoir se passer d’hydrocarbures pour tous ses véhicules.
En cherchant où ils en sont avec cette idée qui parait très logique, j’ai trouvé cet article qui explique que c’est mal parti. L’analyse de l’article reste malheureusement dans le cliché « gentils écolos contre méchants industriels », mais la réalité économique transparait clairement:
Tout ceci re-re-reconfirme mon point de vue exprimé dans « On brulera tout » : le pétrole est extraordinairement bon marché. Aucune énergie renouvelable ne pourra rivaliser sur le plan économique, même avec d’énormes subventions, tant qu’il restera une goutte de pétrole.
Alors nous sommes parfaitement d’accord : votre définition est exactement celle d’un VECTEUR d’énergie, qui pourrait effectivement concurrencer les lignes à haute tension sur de grandes distances, en plus d’être utilisable pour les véhicules.
Mais dans votre exemple, ls SOURCE d’énergie reste le soleil ou le vent, pas l’hydrogène.
Vous avez aussi raison pour le stockage de la surproduction (nucléaire) nocturne. En Suisse nous avons la grande chance de pouvoir utiliser nos barrages pour ça. Ce serait intéressant d’étudier à quoi ressemblerait une usine d’électrolyse de l’eau de la même puissance.
Intéressant de remarquer que les 2 solutions de stockage temporaire d’électricité ont besoin d’eau …
Bonjour,
le transport de l’H2, ça se fait par camions, donc ça use des routes qu’on répare avec du pétrole.
Je ne suis pas entièrment d’accord, car l’énergie nous est fournie en grande quantitée par le soleil ou le vent mais ni à l’endroit ni quand on en a besoin. En cela l’hydrogène permet de différer et déplacer sa consommation… Il faut penser aussi à l’énergie produite la nuit et non consommée!