Prenez une caméra haute vitesse très chère, mettez-la en marche et laissez-la tomber à côté d’un sablier géant de façon à ce qu’elle filme des grains de sable en chute libre. Voilà ce que ça donne :
Etonnant, non ? Avec un liquide, c’est la tension superficielle qui tend à former des gouttes, mais quelle force rapproche les grains pour former des « gouttes de sable » ? Selon l’équipe de l’Université de Chicago qui a réalisé l’expérience [1], c’est la force de van der Waals qui rapproche les grains, puis des ponts de capillarité nanoscopiques s’établissent entre les aspérités des grains, ce qui les maintient liés.
En fin de compte, le sable se comporte comme un liquide dont la tension superficielle serait 100’000 fois plus faible que celle de l’eau. La preuve en images:
Les matériaux granulaires combinent certaines propriétés des solides et des liquides, voire des gaz, au point que certains suggèrent de les considérer comme état de la matière. Ce domaine de recherche touche de nombreux sujets passionnants comme:
- ceux étudiés par l’équipe de l’Université de Chicago
- les dunes chantantes, un phénomène vraiment étonnant
- la simulation de fluides avec des méthodes similaires aux n-corps
Je ne sais pas comment se termine l’histoire pour la caméra haute vitesse, mais si ça vous intéresse, le site UltraSlo propose de nombreux films et le groupe « highspeed » de flickr de magnifiques photos de phénomènes rapides.
Référence et Sources:
- John R. Royer et al. « High-speed tracking of rupture and clustering in freely falling granular streams« , 2009, Nature 459, p.1110-1113
- Brandon Keim, « Grains of Sand Reveal Possible Fifth State of Matter« , Wired Science, 24 juin 2009
- Mark Trodden,« Liquid Sand« , 29 June 2009, Cosmic Variance
4 commentaires sur “Gouttes de sable”
J’avoue que la force de van der Waals ne me paraît pas très crédible dans ce cas. Cette force est tellement faible qu’elle aurait du mal à rapprocher deux grains de sable. Me semble-t-il.
Par contre :
– Le sable ne s’écoule pas dans le vide, mais dans de l’air, qui est un fluide qui a son propre comportement, et qui interagit avec les grains de sable. En particulier par frottement moléculaire.
– Le grain de sable est un grain de silice, isolant (s’il est propre et sec). Donc, de par son frottement avec les autres grains de sable, et avec l’air (sec ?) qui l’entoure, il peut de former à sa surface de toutes petites charges électrostatiques, qui vont rester là.
N’oublions pas que le verre que l’on frotte avec une peau de chamois pour y faire coller des bouts de papier, c’est de la silice, donc du sable.
Alors, si l’on réalise que les grains de sables peuvent avoir une charge électrostatique de surface, aussi faible soit-elle, on comprend que des petits grains de sables « aimantés » peuvent tout à fait s’écouler de la sorte.
Sans invoquer la force de van der Waals …
🙂
un certain nombre d’informations complémentaires, notamment sur les points que tu soulèves sont ici : http://www.nature.com/nature/journal/v459/n7250/extref/nature08115-s1.pdf
Selon les auteurs qui citent d’autres résultats allant dans le même sens, la présence d’air ou non n’influence pas l’agglomération des grains.
Ils ont aussi mesuré la charge des grains (en les faisant tomber à travers un champ électrique horizontal). Effectivement, la moitié des grains se chargent positivement et l’autre moitié négativement. Ok donc pour l’attraction des charges opposées, mais entre charges identiques ?
Depuis que j’ai vu des geckos courir au plafond, je ne sous-estime plus la force de van der Waals. Elle est petite, très petite, mais elle existe.
P’têt que la caméra filme sa propre explosion ?
😉
Sublimes vidéos!