Ma maman aime lire des auteurs du monde entier. Elle m’a fait découvrir Gabriel García Márquez, Ismail Kadare, Amin Maalouf et bien d’autres. Je viens de dévorer le dernier roman qu’elle m’a prêté : « La formule préférée du professeur » de Yoko Ogawa.
Le très bon roman combine surréalisme, cours de maths, philosophie et exotisme japonais.
Surréalisme de l’intrigue : une aide familiale est mise au service d’un vieux professeur de mathématiques handicapé par une amnésie qui limite sa mémoire à 80 minutes. Après ce délai, il ne peut se souvenir que de ce qu’il note sur des petits billets comme « ma mémoire ne dure que 80 minutes » ou « j’appelle le fils de l’aide familiale Root, à cause de sa tête plate comme un symbole de racine carrée ».
Cours de maths car le lecteur est initié en douceur à quelques curiosités de la théorie des nombres, comme les nombres parfaits, les nombres amicaux et évidemment aux nombres premiers. Il me semble que Yoko Ogawa pourrait susciter des vocations à la lecture de certains passages, notamment la description de l’ « étincelle » qui éclate dans le cerveau de l’aide ménagère lorsqu’elle découvre par elle même comment additionner rapidement les N premiers nombres entiers. Une sensation que n’oublient jamais ceux qui l’ont vécue… Mais on ne tombe jamais dans le roman scientifique barbant : Yoko Ogawa évite de détailler la formule préférée du professeur, la fameuse identité d’Euler \(e^{i pi} + 1 = 0\) ou la conjecture d’Artin sur laquelle le professeur s’escrime, jour après jour, 80 minutes après 80 minutes…
Pour ce qui est de la philosophie et de l’exotisme japonais, c’est certainement ce qui rend ce roman très attachant et intéressant pour le lecteur occidental, donc je n’en dis pas plus et vous conseille vivement ce très bon livre, léger et idéal pour les vacances. Ah oui : on y parle aussi beaucoup de base-ball… Je n’ai pas trop compris pourquoi. Mais je ne suis qu’un gaijin.
小川洋子 "La formule préférée du professeur" (2005) Actes Sud ISBN:2742756515 WorldCat Goodreads Google Books
7 commentaires sur “La formule préférée du professeur”
Merci Dr Goulu,
Votre blog est dans mes favoris depuis très longtemps, et c’est la première fois que je poste un commentaire.
C’est grâce à vous que j’ai découvert ce livre, dès le premier jours je ne l’ai pas lâché…excellent livre et excellente narratrice..c’est grâce à vous aussi que j’ai commencé à blogger
Je vous dis simplement merci
Je me joins à The Matrix pour vous remercier de m’avoir fait découvrir ce livre que je termine avec plaisir.
Merci Dr Goulu.
Votre réponse et votre blog ne font qu’acuser mes regrets d’avoir laché les math en fin de lycée. Je trouvais alors mon bonheur dans les matières littéraires.
Ce n’est qu’à l’âge adulte que je me rends compte qu’il y a de la lumière au bout du tunnel scientifique : de l’amusement, des réalisations concrètes, des discussions.
Je vais m’y mettre. A commencer en lisant « La formule préférée du professeur » !
Merci pour cette chronique littéraire.
Avant que je ne lise ce livre, quelqu’un peut m’expliquer comment on additionne les N nombres premiers ?
Attention, je ne suis pas une scientifique.
Merci
Chère Augustine, j’ai un petit doute sur ta question.
Dans le livre, le professeur aide Root, 11 ans, à résoudre un problème de son âge : additionner les nombres de 1 à 10. Il le félicite d’avoir obtenu 55 en faisant 9 additions, mais lui propose d’additionner les nombres de 1 à 100, ou de 1 à 1 million sans faire autant d’additions. On voit ça à l’école vers 14 ou 15 ans je crois. De mon temps ça s’appelait somme d’une « suite arithmétique de raison 1″. Je m’en voudrais de te priver de l' »étincelle » qui ne manquera pas de te frapper si tu trouves la solution toute seule. Sinon, le bouquin est très bien fait pour amener le lecteur à la solution par la réflexion, mais si tu es pressée je te donne un indice : une multiplication remplace avantageusement de nombreuses additions 😉
Mais peut-être voulais tu vraiment savoir comment additionner les N premiers nombres premiers (2+3+5+7+11+13 etc.) Ca c’est un problème vraiment coton! Comme il n’existe pas de formule qui génère les nombres premiers les uns après les autres (il faut vérifier si chaque nombre est premier ou pas, le fait de connaitre le nombre premier précédent n’est d’aucun secours), il n’existe pas non plus de formule exacte donnant la somme des N premiers nombres premiers. Mais les ancêtres du professeur, puis ses disciples n’ont pas chômé : après quelques siècles sur la question, Bach et Shallit ont proposé en 1996 une formule étonnamment simple : $latex sum_{i=1}^{n}{p}_{i} approx frac{1 }{ 2} {n }^{2 }ln(n)$ qui permet donc d’approximer la somme (qui est un nombre entier) par une fonction continue dont ils ont pu prouver qu’elle collait très bien à la somme jusqu’à l’infini. Source et plus d’infos ici : http://mathworld.wolfram.com/PrimeSums.html, Mais je n’ai aucune idée de comment ils ont démontré ça.
Entre ces deux niveaux, il y a ce petit problème, niveau bac : Si P (n) désigne la somme des n premiers nombres premiers positifs, démontrer que, entre P ( n ) et P ( n+ 1 ) il y a un carré parfait.
Assurément un excellent livre où on ne trouve aucun passage lourd et inintéressant ! Franchement à conseiller
Ce n’est pas très étonnant d’entendre parler de base-ball dans un roman nippon, c’est le sport national avec le sumo finalement. Les grands pays du base-ball, ce sont les États-Unis, Cuba, et le Japon !