Dans la Tribune de Genève d’hier, le conseiller national André Reymond (UDC) motive son attaque contre l’aide au développement suisse par « la lente agonie du continent africain, qui témoigne de la faillite de l’aide aux pays en voie de développement« . Or si l’idée selon laquelle l’Afrique régresse est assez répandue, elle ne correspond pas aux faits.
A l’aide du fantastique outil Gapminder.org dont j’ai déjà parlé ici et là, on peut constater que le pouvoir d’achat par habitant de tous les pays africains (sauf la Rép. Dém. du Congo) a au moins doublé depuis 1950, mais aussi que l’espérance de vie a augmenté de 15 à 20 ans pendant cette période.
Certes, l’Afrique sub-saharienne reste globalement en retrait par rapport au reste du monde du point de vue économique et par l’espérance de vie. Mais en observant le développement rapide de la Chine ou l’Inde, on voit assez distinctement deux phases : d’abord un progrès au niveau de l’espérance de vie résultant d’un effort dans le domaine de la santé est des infrastructures (eau potable, égouts etc.), puis un développement économique.
Les pays d’Afrique du Nord comme le Maroc sont actuellement dans une situation comparable à l’Espagne ou l’Italie des années 1950, et disposent maintenant de l’infrastructure matérielle et humaine qui leur ouvre la possibilité d’un développement économique rapide.
La majeure partie de l’Afrique sub-saharienne en est encore à la première phase. Le Burkina-Faso, aidé par la Suisse, n’est effectivement parvenu qu’à doubler son revenu par habitant. Mais chaque habitant vit désormais 20 ans de plus que son arrière-grand père, et ce progrès est essentiel pour la suite du développement de ce pays et de tout le sous-continent.
L’aide de la Suisse et d’autres pays occidentaux a contribué au développement réel de l’Afrique. Il serait regrettable de la remettre en question, ou de freiner le développement économique qui s’amorce en Afrique par des mesures protectionnistes par exemple. Ceci reviendrait à pousser l’Afrique dans les bras de la Chine qui les leur ouvre tout grand, tout sourire à l’idée de récolter les fruits que nous avons aidé à semer.
Aucun commentaire “Agonie du continent africain ? où ça ?”
Beaucoup de pays africains ont connu un net ralentissement dans les années 1990, et certains un recul de l’espérance de vie assez fracassant. La cause tient en 4 lettres : SIDA.
L’analyse de la coopération avec l’Afrique en matière de SIDA a probablement fait l’objet de quelques thèses de sociologie, mais intuitivement il me semble que le choc des cultures a été quasi frontal sur cette question, en effet.
Vu les circonstances, je me demande s’il ne faudrait pas poser la question à l’envers : le Togo, la Zambie et le Zimbabwe existeraient-ils encore si l’aide au développement n’avait pas un tout petit peu agi pour limiter le désastre dans ces pays ?
Il est clair aussi que l’Afrique souffre de problèmes politiques dramatiques, en particulier depuis que la décolonisation a créé des pays en traçant des frontières quasiment arbitraires, sans tenir compte des peuples africains historiques. Ces problèmes sont sans aucun doute la cause essentielle du très lent développement de l’Afrique.
Mais malgré tout ça, la situation s’améliore.
Si l’on observe le Togo, la Zambie et le Zimbabwe, on constate un méchant replis de la courbe depuis les années 90.; on voit que ces pays ont de la peine. Impressionnant. Peut-être leur faut-il un coup de pouce plus important?