Le départ du 8ème Vendée Globe a été donné le 8 novembre. Pour ce tour du monde à la voile en solitaire, sans escale ni assistance qui se court tous les 4 ans, 29 marins s’affrontent sur des monocoques de 60 pieds IMOCA. Et pour la première fois, 7 bateaux sont équipés de foils:
- « Safran II » de Morgan Lagravière
- « Banque populaire VIII » d'Armel Le Cléac’h
- « St. Michel-Virbac » de Jean-Pierre Dick
- « No Way Back » de Pieter Heerema
- « Edmond de Rothschild » de Sébastien Josse
- « Hugo Boss » d'Alex Thompson
- « Maître Coq (ex Banque Populaire) » de Jérémie Beyou
Pour les amateurs de bateaux volants c’est assez surprenant de voir des foils ajoutés à des bateaux lestés par 3.1 tonnes de plomb et des ballasts, alors que jusqu’ici les foilers étaient ultra légers afin de soulever leur(s) coque(s) hors de l’eau.
En fait, comme l’expliquent bien la vidéo ci-dessous, le rôle principal des foils est de créer un couple de redressement du bateau :
En prime, la portance du « tip » du foil associée à celle de la quille inclinable génère une poussée verticale qui réduit notablement le déplacement du bateau. A 20 noeuds, cette poussée représente 60% du poids du bateau, et il décolle pratiquement dans les vagues
Ces foils remplissent encore un autre rôle. La quille inclinable n’est pas un plan anti-dérive très efficace. C’est pourquoi les 60 pieds IMOCA étaient jusqu’ici équipés de deux dérives-sabre, dont l’une est abaissée pour que le bateau « cape » mieux, notamment au près. Mais comme le Vendée Globe se court principalement au portant ces dérives sont avantageusement remplacées par des foils dont la partie plongeante (le « shaft ») fonctionne comme un petit plan anti-dérive*. Selon Quentin Lucet, architecte au cabinet VPLP qui a conçu 6 des 7 foilers de la flotte, les foils de ces bateaux se distinguent justement par ce « shaft » plutôt que par le « tip » [1].
D’ailleurs on peut voir ces foils non comme une révolution, mais comme une évolution. Sur les IMOCA des éditions précédentes, les dérives-sabre étaient inclinées vers l’extérieur du bateau. Mais pour le Vendée Globe 2012-2013, le chantier VPLP a eu l’idée d’incliner les dérives de « Macif » et « Banque Populaire » plutôt vers l’intérieur pour qu’avec la gîte elles génèrent une force verticale comme des foils. Résultat : les deux bateaux ont remporté la course dans un mouchoir de poche (François Gabart arrivant 3h avant Armel Le Cléac’h après 78 jours de course!), laissant le 3ème à plus de deux jours.
Pour cette édition, « Banque Populaire » rebaptisé « Maitre Coq » a remplacé ses dérives par de vrais foils, et VPLP a conçu les 6 autres foilers tout neufs. Enfin presque, parce que la plupart ont déjà pris le départ de la Transat Jacques-Vabre 2015. Mais un seul l’a terminée (« Banque Populaire VIII », à la 2ème place), tous les autres devant abandonner sur casse…
Car la grande inconnue est là : ces foils créent des forces énormes sur la structure, des accélérations et des chocs auxquels aucun bateau ni homme n’a été soumis pendant une si longue période. Les bateaux qui survivront à ces conditions extrêmes battront probablement le record de François Gabart en 78 jours. Dans ce cas nous verrons certainement des bateaux volants au Vendée Globe 2020.
Pour l’instant c’est bien parti : à l’heure où j’écris, les 3 bateaux en tête de la course sont des foilers (Hugo Boss, Banque Populaire VIII, Edmond de Rotschild) et les 4 autres sont 5,7,9 et 24èmes.
Reste un petit mystère que je n’ai pas éclairci : sur les sites et forums anglophones [4], les foils de ce type sont baptisés « DSS » comme « Dynamic Stability Systems » [5], le nom d’une entreprise fondée par Hugh Welbourn pour exploiter son brevet [6] qui me semble assez large. VPLP a-t-il acquis une licence de ce brevet ? Pourtant ils ne sont pas mentionnés dans les partenaires de DSS… Ou ont-ils déposé leur propre brevet, que je n’ai pas trouvé ? Ou jouent-ils sur l’antériorité du brevet de Rougier & Emig [7] aujourd’hui échu ?
Note* : outre les problèmes de construction, la jauge IMOCA limite à 5 le nombre d’appendices mobiles. Avec la quille inclinable et deux safrans, il faut chosir : dérives ou foils, car utiliser des foils ou dérives fixes serait trop handicapant dans le petit temps.
Sources
- Raphaël Bonamy, « Vendée Globe. Les foils ? Ça marche comme ça…« , 04/11/2016, sur Ouest-France
- « Vendée Globe : des machines volantes vont s’affronter sur l’eau« , 4/11/2016, Sciences et Avenir
- Chloé Lottret « Un voilier du Vendée Globe 2016 expliqué« ,06-11-2016, Bateaux
- « DSS foils to revolutionise IMOCA 60 fleet« , 22 October 2014, The Daily Sail
- « Dynamic Stability Systems – Technology«
- Hugh Burkewood Welbourn « Hydrofoil system for mono-hull sailboats », 2007, brevet WO 2007116318 A3
- Francois Paul Louis Co Rougier, Marc Emig « Disposition architecturale permettant d’augmenter de la stabilite des voiliers de type monocoque par des foils », 2004, brevet FR2877311B3
(article également publié sur Foilers!)
14 commentaires sur “Les foils du Vendée Globe”
Bonjour à vous, travaillant toujours dans le cadre des TPE dont notre problématique est devenue: Foils sur les bateaux volants, une aile d’avion bridée par les hommes ? Nous aurions besoin de votre autorisation(Dr. Goulu) pour pouvoir utiliser vos images dans le cadre de notre présentation finale.
Est-ce possible ?
Encore merci pour vos precises informations et pour votre article
Bonne fin de journée!
oups, désolé je n’ai pas vu votre message avant… Les images ne sont pas de moi, vous avez en principe le droit de les reprendre en citant leur source …
Bonjour,
Je me présente: Elève en 1ere Scientifique au lycée St URSULE en Vendée (85400) je me permet de vous contacter suite à la lecture de cet article (que je trouve très complet) pour vous posez une question.
En effet, se trouvent dans le programme de 1ereS les TPE(Travaux Personnels Encadrés) et, mon groupe et moi sommes partis sur une comparaison entre les profils et forces aérodynamiques des ailes d’avion et des foils, pour savoir qu’est ce qui retient le bateau équipé de ces derniers à la mer. Nous avons avons lu votre article et, suite au visionnage de la premiere vidéo, nous sommes tombés sur cette relation:
vitesse avec foils/vitesse sans foils=poids du bulbe/poussé de la dérive.
Et les deux calculs nous donnent 1.2.
Serait-il possible de nous le confirmer? Est-ce faux? Et finalement, auriez-vous d’autres informations, nouvelles ou récentes sur les foils à nous donner (Route du Rhum)?
Cordialment
Un élève de première
Bonjour,
je ne comprends pas exactement cette relation, je pense qu’elle est très approximative pour dire qu’on obtient un gain de vitesse de 20% grâce à la portance du foil.
Calculer la vitesse d’un bateau est beaucoup plus compliqué car il faut calculer la portance et la traînée sur chacun de ses éléments, qui varie en fonction de la vitesse et de son angle de gite notamment.
Jusque vers 30 noeuds, les profils utilisés pour les hydrofoils sont les mêmes que pour l’aviation car le problème est le même : maximiser la portance et minimiser la traînée. Utilisez le « nombre de Reynolds » pour mettre à l’échelle.
Au dessus de 30 noeuds, la cavitation devient LE problème, et les profils ressemblent plus à ceux des avions supersoniques, voire hypersoniques (voir supercavitation)
Je suis moins actif dans ce domaine actuellement, mais je pense que vous trouverez des infos intéressante sur https://foils.wordpress.com/ un blog spécialisé que j’avais fondé à l’époque … Et si vous avez besoin d’aide, posez vos question là bas, il y a plein de passionnés compétents.
euh….. la force verticale de la quille, elle ne serait pas plutôt vers le bas ? ? ?
autrement, à quoi ça sert une quille ? (qui n’est pas une dérive de ….. dériveur ! ….)., avec en plus un bulbe bien lourd à l’extrémité ? et une articulation au vent, pour augmenter le couple de rappel ?
Ce n’est que mon avis, mais …..
La quille a bien sur son poids propre vers le bas, mais la force sur le voile est dirigée au vent grâce à l’incidence causée par l’angle de derapage (l’axe du bateau pointant légèrement au vent par rapport à son cap). Donc en inclinant la quille, une composante verticale de cette portance apparaît, dirige vers le haut.
https://drgoulu.com/wp-content/uploads/-000//1/vplp-1024×639@2x.jpg
…. 5 mois plus tard …. ! …. Ils sont arrivés ?…. Ah, bon ! …..
…. et je ne suis toujours pas d’accord sur la figuration de certaines forces sur votre schéma , module et orientation ….
En attendant que je trouve comment modifier (à mon idée….) votre PJ et à l’insérer ici, quelques remarques , même si je suis convaincu qu’un bon dessein vaut mieux qu’un long discours…
1°) « Poussée foil » : ok.
2°) « Archimède » : ok. = poids du volume d’eau déplacé , etc …
2°) « Moment de redressement » oui et … non; il faut s’entendre quant à ce qu’il y a dedans ….
3°) « Moment de chavirage », idem, sauf que …. :
4°) « Poussée de quille »; terme malencontreux, il n’y en a pas ! … La quille est conçue de façon, justement, à ne pas avoir de portance propre (alors que c’est le cas pour un dériveur ! … d’où l’erreur).
Vous avez vu des vidéos de Thomson en costard sur la quille de son bateau à la gîte; cas limite, ok; mais qui met en évidence que c’est le couple de rappel créé par le bulbe en extrémité, et non une quelconque portance du le « voile de quille », ….. qui ne sert qu’à relier le bulbe au bateau (en étant orientable bâbord-tribord pour être toujours mis au vent, et ainsi avoir ainsi un effet de redressement maximum.
Il aurait fallu que vous dissociiez « Newton » en « Poids du bateau SANS le bulbe » d’une part, et « Poids du bulbe », lequel est mobile…..
5°) Votre ensemble « poussée quille » disparaît au profit du seul poids du bulbe …. (qui est déplacé d’un bord à l’autre selon l’amure). Dans le même registre, il faut aussi parler des réservoirs-ballaste bâbord-tribord dans lesquels de l’eau est transférée-pompée au vent pour ajouter au couple de redressement.
En procédant ainsi, on rééquilibre logiquement la représentation des forces en action.
Angle de dérapage, il est significatif aussi; mais pas tant qu’un dériveur …. qui pollue votre approche. C’est la forme « en V » de la coque qui s’oppose au dérapage. Il ne vous aura pas échappé la forme particulière de la coque . Un monocoque bien particulier ! 2 safrans (selon l’amure !) 2 dérives ou 2 foils selon l’amure ! ….. Une seule étrave, oui, mais quasi … un catamaran, vu de l’arrière à la gîte ! Là, ça se complique, sans dessein(s)….
Excusez-moi d’avoir été long, sans avoir forcément contribué à développer mon point de vue ! …… ;->)
Passez de bonnes vacances …. sur l’eau !.
Bonjour Gilbert,
oui le Vendée Globe est arrivé, et les 4 premiers sont des bateaux à foils ( http://www.vendeeglobe.org/fr/classement-et-donnees-de-course ) . Les deux premiers ont mis 74 jours, soit 4 de moins que Macif de Gabart au Vendée Globe précédent, qui avait des dérives inclinées vers l’intérieur !. Les deux suivants égalent à peu près l’ancien record. Malgré deux abandons à foils et pas mal d’avaries ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Vend%C3%A9e_Globe_2016-2017#Incidents_et_abandons ), je suis persuadé qu’une majorité de bateaux du Vendée Globe 2020 auront des foils.
Ce n’est pas « mon » dessin mais celui de VPLP et Verdier (…) et vous le retrouvez sur de nombreuses autres pages comme http://www.courseaularge.com/vplp-a-lorigine-dune-rupture-achitecturale.html où l’architecte Vincent Lauriot-Prévost dit:
Donc en gros ces bateaux sont en train de devenir des dériveurs lestés plutôt que des quillards, et la faible portance générée par le voile de quille, parasite car elle contre le moment de redressement, est désormais accentuée par un « tilt de quille » et compensée par le foil. Je viens de trouver http://www.guillaumeverdier.com/lecon-de-foils/ qui est on ne peut plus clair…
Sur votre dessin: la somme des forces doit être nulle, donc vos grosses flèches bleues font couler le bateau 🙂 Si vous regardez le dessin VPLP, la flèche Newton ne part pas du centre de gravité de la coque car elle tient déjà compte du bulbe, et la quille tient son rôle de plan antidérive qu’elle a perdu dans votre dessin…
Impeccable ! Rien à redire.
…. « …. la somme des forces doit être nulle, …. » là aussi, tout à fait d’accord ! …. Mais, à ma décharge, je dois avouer, qu’après mes laborieux bidouillages dans Paint, j’ai eu la flemme d’ajuster les modules des différentes forces pour que leurs sommes, tant horizontales que verticales, soient nulles. Somme des forces Vertes + Jaunes = Somme des forces Bleues .
Il aurait aussi fallu qu’outre leurs modules les différentes forces soient placées de façons telles que la somme des couples en résultant soit …. nulle ! (Comme il y a 50 ans à l’Ecole ! ;->).
Pour la clarté de l’analyse des forces en action, j’estime qu’il est judicieux de figurer séparément « Poids du bateau ANS le bulbe » et « Poids du bulbe » , ceci dû au fait que l’ensemble bulbe-quille est mobile (+/- 36° ! C’est énorme ! …).
Mais, je maintiens que le rôle anti-dérive de la quille est minime, voire marginal; ça créerait forcément une traînée pénalisante…. (comme en aviation, pas de portance sans traînée …); C’est la forme en V de la carène à la gîte qui génère le plus gros de la force anti-dérive (force non représentée ici …).
Longitudinalement, les foils sont placés au droit du centre de poussé (horizontal) à la gîte, là où étaient aussi les dérives mobiles..), l’équilibre longitudinal de tout ça étant contrôlé par le safran actif, …. comme sur un dériveur. Et comme sur un dériveur, moins on sollicite la barres-safran pour y avoir une « portée », moins on y crée de traînée (néfaste, par principe !….).
« Petit voileux », je ne suis à l’évidence pas spécialiste, (ça se voit ;->), mais je suis intéressé par cette problématique d’équilibre de forces « statiques » dans un domaine « dynamique ». Comme en aviation, que je côtoie plus….
Bonne journée.
Tentative de joindre un fichier ! ….
La grande aventure ;->).
Dropbox ? …
https://www.dropbox.com/s/g79c1pmxb4p2sqi/Forces_VGS_gdr.jpg?dl=0
Est-ce que le lien fonctionne ? …..
oui ça fonctionne mais c’est plus simple de juste cliquer la petite icône d’image en bas du formulaire 😉
https://uploads.disquscdn.com/images/4a5675c99b27402a8b7081f8c636d72369d0683c7d833701360823bf9ae6f18e.jpg
? ? ? …. ! ! !
Je n’avais pas remarqué la petite image …..
C’est l’âge, Docteur …..
J’ai découvert avec cet article que j’avais raté le départ du Vendée Globe que j’attendais depuis un moment…Il n’est jamais trop tard pour se rattraper en en apprenant un peu plus sur la flotte de cette année ! Très intéressant, comme toujours 🙂
ArpadH
Je ne discute pas. Je ne suis qu’un modeste ex-voileux retraité, mais j’ai été époustouflé par la pédagogie et l’esthétique de cet article.
Merci infiniment.
Alain Niquin